La Philharmonie organise de vendredi à dimanche une série de concerts consacrés aux musiques traditionnelles de la Grèce contemporaine, plus connue en France par ses exilés (Mikis Theodorakis, Costa-Gavras, Vangelis, Nana Mouskouri…) que par ses musiciens d’un riche patrimoine.

"Je remarque que tout l’intérêt (en France) a été porté sur les musiques du Proche-Orient, de l’Inde, du Maghreb, et que la Grèce est la grande oubliée dans cette histoire-là", constate Alain Weber, directeur artistique de festivals dans le monde arabe, scénographe et programmateur de ce cycle.

"Il y a une vision folklorique de la Grèce, alors que ce pays a un patrimoine d’une très grande richesse", poursuit-il.

Le cycle va tenter de combler un manque, en présentant diverses musiques de ce pays d’Europe à la croisée de l’Orient et de l’Occident, de la Crête orientale à l’Epire, région frontalière avec l’Albanie, qui subit l’influence des Balkans.

D’exil, il en sera aussi question. Avec l’œuvre du même nom interprétée samedi par l’Ensemble En Chordais, dirigé par Kyriakos Kalaitzidis, scénographiée par Alain Weber, avec comme invitée la chanteuse Maria Farantouri, à l’immense popularité en Grèce.

Exil est une invitation à un voyage à l’intérieur de la Grèce et à l’intérieur de soi-même. Car, selon Kyriakos Kalaitzidis, il est autant un état d’âme qu’une réalité géographique. Avec un dénominateur commun à toutes ces musiques: leur héritage byzantin.

"A la Philharmonie, on va passer au cours de la même soirée de la musique de l’Epire à la musique crétoise. C’est très différent, mais il y a quelque chose en commun: l’origine de toute musique grecque est byzantine", confirme Kyriakos Kalaitzidis.

Ce joueur de oud et compositeur est un fruit de l’exil. " Je suis un réfugié de la troisième génération. La famille de mon père vient de la mer Noire et celle de ma mère de Cappadoce. Les deux familles avaient été chassées et avaient pris la route de l’exil dans des circonstances dramatiques. Nombreux sont morts, parmi eux deux de mes oncles. Ceux qui ont survécu sont arrivés en Grèce suite à l’échange forcé de populations de 1923 ", entre la Grèce et la Turquie, se souvient-il.

Bien loin du folklore du sirtaki véhiculé par le film Zorba le Grec, les musiques que défend ce musicien de Thessalonique -surnommée par ses habitants eux-mêmes la capitale des réfugiés, véhiculent des sentiments très forts comme l’amour, mais aussi la nostalgie et la tristesse.

La Grèce, terre d’exil et d’exilés, pays au métissage culturel fort dû aux occupations successives et à l’influence des peuples frontaliers (Albanie, Bulgarie, Macédoine du Nord, Turquie). Un sujet plus que jamais d’actualité.