L’exposition de Micheline Nohra (Mi-Nohra) inaugurée le 3 novembre se poursuivra à la galerie Barrak Naamani à la rue Sidani à Hamra jusqu’au 24 novembre 2022.

Formée à l’Académie libanaise des beaux-arts, Micheline Nohra s’affirme par une identité artistique bien particulière qu’elle définit elle-même comme libre, intuitive et spontanée. L’artiste peint avec des couleurs acryliques vives et fortes et communique ainsi à ses toiles dynamisme et joie de vivre.

Cette sensibilité à fleur de peau est presque palpable puisque’on se laisse surprendre dès le départ par un univers artistique foisonnant et fantaisiste, agité de turbulences. Turbulence du mouvement, lignes dynamiques indomptées, filaments colorés courent sur la toile, s’agitent de manière désordonnée, bouillonnent à la manière de spaghettis pour faire apparaître des têtes et des personnages qui s’emmêlent et se bousculent, ou pour faire surgir un champ d’herbes folles ou traversées d’épis.

L’artiste semble tenir à la main, en guise de pinceau, une bobine dont les fils se déroulent, s’enroulent et s’enchevêtrent en un fouillis aussi inextricable et complexe que la trame de la vie même. Sur certaines toiles, des visages anonymes, effacés, semblent traversés d’un fluide, sont comme chargés d’énergie ou habités d’une lumière intérieure. Quel sens donner à ces visages mystérieux? Masques de convenance, reflets de soi et de l’Autre, deux énigmes à déchiffrer?

D’autres tableaux affichent des têtes coiffées d’un turban rappelant le chef-d’œuvre de Van Eyk, ou portent le tarbouche pour un clin d’œil tendre et amusé aux travers d’une société libanaise machiste qui acclame la naissance du garçon, symbole de force virile, mais qui, superstitieuse, continue à craindre le mauvais œil.

Sur d’autres toiles, des têtes de clowns tristes flottent, désinvoltes, comme désemparées. La déformation voulue des traits faisant effet de caricature accentue la force d’expression de ces créatures colorées, les rendant presque mobiles, étrangement vivantes. Ailleurs, des faces aux yeux exorbités ou vides en forme de boules rouges ou bleus, œil de travers ou œil cyclopes, fascinent, interpellent et suscitent tour à tour inquiétude et curiosité. D’autres œuvres sont triturées de lignes entrecoupées qui semblent voler en éclat et exploser la toile d’une myriade de couleurs.

L’originalité et l’audace de l’exposition ne cessent de surprendre et l’on prend plaisir à se laisser entraîner dans sa dynamique joyeuse, à s’imprégner de ses ondes positives, souhaitant en garder l’effet tonique, en garder la mémoire indéfiniment.

Jocelyne Ghannagé
joganne.com