Saint-Laurent-du-Var. Il est 11h, Patrick Villardry, président d’Ulis (Unité d’intervention et de secours), me reçoit dans son vaste domaine bordé d’arbres où stationnent des véhicules de sapeurs-pompiers. Il a un grand sourire et une poignée de main franche. Sur la terrasse ensoleillée, trois valises chargées de 90 kilos de médicaments, chocolat et jouets sont bouclées, prêtes à s’envoler le lendemain pour Beyrouth. Fondée en 2000, cette association de sapeurs-pompiers professionnels, bénévoles, composée de six hommes, agit au pied levé après séismes et catastrophes partout dans le monde.

Sa première intervention au Liban fut après l’épouvantable attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri en février 2005. Le surlendemain, Patrick Villardry était sur place avec son équipe après qu’un général de l’armée libanaise a sollicité son aide, car il est l’un des meilleurs spécialistes cynophiles du chien de recherche en décombres. Il y était resté deux semaines pour former des policiers et avait offert ses quatre chiens de sauvetage à la police libanaise.ali

Le 4 août 2020, dès qu’il apprend la terrible explosion du port, il décide de partir pour Beyrouth. Le lendemain, il se trouve devant les silos avec son équipe de sapeurs-pompiers et ses chiens. Il encadre 175 scouts libanais sur des missions de nettoyage. Il est bouleversé devant le désespoir des pompiers libanais: "Ils n’ont plus envie de se battre pour 60 euros par mois." Et c’est alors qu’au fil des jours il rencontre les sœurs de Notre-Dame du Mont à Fatka chez lesquelles il ira loger pendant une semaine avec son équipe.

En septembre 2021, Patrick Villardry répond à l’appel de détresse des Sœurs de la Congrégation qui souffrent d’une pénurie de médicaments. On lui envoie la liste des besoins. Aussitôt, il place sur les réseaux sociaux un appel aux dons et récolte pas moins de 220 kilos de médicaments. En octobre 2021, il transporte avec deux amis secouristes les valises remplies de médicaments au Liban. C’est sa troisième mission humanitaire. Il les remet aux sœurs Jocelyne et Marie-Ange qui les distribuent dans les dispensaires après en avoir fait le tri. Les trois secouristes vont les accompagner dans une maison de retraite complètement démunie alors que les émeutes éclatent à Beyrouth. Patrick en garde un souvenir poignant. Au programme, deux journées de formation aux risques majeurs prodiguées à la police municipale. À la Congrégation où il est logé avec ses deux amis, on parle de l’approche de Noël, de la crise économique, des enfants hospitalisés privés de chocolat et de jouets. Le cœur se serre…

Qu’à cela ne tienne. De retour à Saint-Laurent-du-Var, Patrick sonne l’alerte. En quelques jours, des kilos de chocolats et jouets atterrissent chez lui, sans oublier les médicaments. Il en a pour 90 kilos et a l’air soucieux. Il ignore s’il pourra faire passer l’excédent demain matin à l’aéroport de Nice, mais il compte bien sur la bonne volonté des employés d’Air France. Il part avec son ami Pierre Baldin n’ayant pour tout bagage qu’un sac à dos. Il ne mâche pas ses mots, c’est lui-même qui paie les frais de voyage: "Je le fais de tout cœur et je peux y aller chaque fois qu’on aura besoin de nous, si seulement je touche un ou deux riches Libanais pour me donner les moyens de le faire. Vous voyez cette ambulance stationnée? Elle est là depuis des mois. J’en fais cadeau au Liban. Mais il faut payer le transport en conteneur qui coûte 4000 euros. Et je n’en ai pas les moyens. Il doit bien y avoir des riches Libanais qui veulent aider, non?" Question rhétorique. Devant mon silence, il me confie: "Ma vie, c’est aider les gens." Une sonnerie et le grand portail s’ouvre. Un voisin s’avance tenant deux grands paquets de chocolat, les remet à Patrick et s’esquive… L’ambulance est toute rutilante sous le soleil de décembre, attendant qu’un bienfaiteur l’expédie au Liban.