L’inauguration de la 64e édition du Salon international du livre arabe a eu lieu aujourd’hui, samedi 3 décembre 2022, à 11 heures au Seaside Arena (ancien Biel), sous le patronage et en la présence du Premier ministre sortant, Nagib Mikati. Organisée par le Club culturel arabe en partenariat avec l’Union des éditeurs au Liban, l’exposition devrait redorer le blason du pionnier des salons arabes dont l’image a été entachée par la prédominance de l’influence iranienne sur la culture libanaise et arabe et le boycottage de grands éditeurs libanais et arabes, lors de sa 63e édition.

D’autres difficultés se rajoutent à l’enjeu identitaire principal comme la détérioration spectaculaire du pouvoir d’achat et le rétrécissement de l’espace initial occupé par les maisons d’édition, qui est passé de 10.000 m2 à 2.220 m2, après l’explosion titanesque du 4 août qui a détruit le bâtiment situé sur le front maritime. Sur les 133 maisons d’édition présentes au Salon qui se déroule du 3 au 11 décembre, la littérature francophone sera pour la première fois présente fortement et la foire actuelle du livre marquera le retour des éditeurs du Golfe après la déconfiture de l’année passée. Le Salon rendra hommage à des figures intellectuelles majeures disparues, comme Farès Sassine, Jabbour Douaihy, Samih el-Baba – l’un des principaux fondateurs du Salon du livre arabe et ancien président du Club culturel arabe –, décédé il y a quelques jours, Samah Idriss et tant d’autres. Durant neuf jours, des rencontres-débats, des soirées poétiques, des conférences et des signatures offriront un panel varié aux visiteurs attendus, malgré la crise économique et la Coupe du monde 2022 pour les amoureux du football.

Interrogé sur le taux de vente des livres, le directeur adjoint du Salon international du livre arabe, le Dr Adnane Hammoud, a répondu sans détour: "Compte tenu des circonstances actuelles, les éditeurs auraient dû prendre des mesures nouvelles encourageant les ventes et le lectorat. Une  seul éditeur seulement, Dar Saër el Mashrek, vend actuellement selon le taux de change de 8.000 LL et c’est grâce à cette mesure qu’il arrive à vendre et que les gens arrivent à acheter des livres. J’aurais bien aimé que des stratégies pareilles soient adoptées par la plupart des participants, avec mon respect pour tous." Ce qui est surprenant et louable, c’est le fait de voir pour la première fois des librairies francophones exposer leurs livres en français, comme la Librairie Antoine, la Librairie Orientale, la Librairie Stéphan et d’autres, enchaîne-t-il. "Comme le Festival francophone du livre, organisé par l’Institut français en octobre dernier, avait privilégié les activités et les rencontres à la vente –très aléatoire, les prix des livres en euros étant devenus inaccessibles, les libraires ne se sont pas fait prier pour se joindre à nous cette fois-ci."

Les témoignages des jeunes visiteurs

Interrogée sur la 64e édition du Salon du livre arabe à Beyrouth, Fadia, Beyrouthine, confirme qu’elle n’est pas venue pour acheter des livres, mais pour s’assurer que Beyrouth a retrouvé son identité libanaise et arabe après le scandale de l’interdiction de la musique l’année passée et la coloration franchement iranienne qui crevait les yeux.

"Adolescente, je visitais chaque année la foire avec ma mère, enseignante de langue arabe, et nous rentrions les bras chargés. J’étais fière du rôle pionnier et avant-gardiste de notre capitale. À la maison, on ne cessait de me parler de l’époque de la Nahda arabe, du rayonnement de la littérature libanaise et du rôle joué par Beyrouth", raconte-t-elle. "Défigurer la perle de l’Orient d’abord par l’explosion, ensuite par les interdictions, est un double assassinat!", poursuit la jeune fille. En revanche, Ali, 30 ans, se plaint du fait que certaines maisons d’édition qui étaient présentes en mars dernier sont écartées par le Salon du livre actuel. À la question de savoir si les prix des livres sont accessibles pour lui, il répond sans ciller qu’il n’en a pas besoin puisque son école assure tous les manuels de lecture. Pour Hiba, 25 ans, vivant à Hadeth, "acheter des livres est devenu un grand luxe. On vient découvrir les nouveaux titres pour essayer de nous les procurer grâce à la médiathèque de la faculté, les bibliothèques publiques ou pas le biais d’ami.e.s. Lire n’a jamais été un must pour les Libanais bien qu’ils soient trilingues. Avec le peu d’argent qu’on arrive à retirer de la banque, on préfère acheter de la nourriture, des médicaments et des vêtements."

Les Prix décernés aux meilleurs livres

Avant de couper le ruban pour inaugurer le Salon, plusieurs prix, dotés de sommes d’argent, ont été décernés aux meilleurs livres par le jury du Livre de Charjah:
– Prix de la meilleure publication au niveau de la conception, la production et l’impression pour la catégorie adulte à L’héritage légendaire du Dr. Mohammed Mostafa Mansour (éd. Al-Intashar al-Arabi).
– Prix de la meilleure publication au niveau de la conception, la production et l’impression pour la catégorie émergente, attribué à trois livres: Les Lettres arabes (éd. Dar Ibdaa al-Dirasat); Le Mouchoir de ma grand-mère de Jeker Khorshid (éd. Dar Asala); L’État des lieux des livres d’enfants de Matilda Schafer (éd. Snoubar Beyrouth).
– Le prix de la meilleure publication mettant en lumière la beauté de la langue arabe et son ouverture aux autres cultures à l’ouvrage collectif L’Arabe dans les rues de Beyrouth, écrit par un groupe de chercheurs de l’Observatoire des langues de l’Université Saint-Joseph.
– Le Prix de la meilleure publication sur l’utilisation du développement numérique au service de la langue arabe à La Nouvelle source électronique, un dictionnaire anglais-arabe en version papier, enrichie d’une version électronique qui fonctionne sur les appareils Apple, Windows et les appareils mobiles, rédigé par Mounir Baalbaki et Dr. Ramzi Baalbaki (Dar Al-Elm lil Malayin).