Pour son retour sur scène, le comédien Grégory Montel se glisse dans la tête d’un quadragénaire fasciné par le chanteur Claude Nougaro. Un huis clos mental rythmé par l’accordéon qui se joue à partir de vendredi à Marseille, avant de rejoindre Paris début mars.

" Je n’avais pas envie d’écrire un biopic ", raconte Charif Ghattas, l’auteur
d’ Ici Nougaro, qui met également en scène la pièce avec Grégory Montel, bien connu du grand public depuis son rôle d’agent artistique dans la série à succès Dix pour cent.

Cette fois, le comédien se retrouve de l’autre côté du miroir, jouant lui-même un acteur tourmenté et à bout de souffle, Mathias, totalement habité par la figure du chanteur toulousain Claude Nougaro (1929-2004), un des grands noms du jazz et de la chanson française, dont il est un sosie et qu’il rêve d’incarner au cinéma.

Un soliloque exigeant, donnant à entendre autrement les mots du " Petit taureau " toulousain et que le comédien a accepté d’endosser à condition de ne pas être seul sur la scène du Théâtre des Bernardines de Marseille, où la pièce se donne jusqu’au 28 janvier.

Dans ce " poème dramatique ", le sosie de l’artiste " est visité par une espèce de musicien " prénommé Jacques – en référence à l’écrivain Jacques Audiberti, compagnon de route de Nougaro – qui est aussi une sorte de " projection du surmoi de Mathias ", explique Charif Ghattas.

Souvent dissimulé derrière les tentures aux couleurs chaudes qui habillent le plateau, c’est Lionel Suarez qui incarne ce second personnage totalement muet, à l’exception des sons qui émanent de son accordéon et forment une composition musicale originale.

" J’ai essayé de m’inspirer des expériences que j’ai eues " avec Nougaro, témoigne le musicien, qui a bien connu le chanteur.

" Ce qui est intéressant avec l’accordéon, c’est que c’est une espèce d’orchestre mobile ", relève-t-il, assurant que c’est particulièrement " porteur " pour les comédiens.

En peignoir ou chemise ouverte sous un perfecto de cuir, prêt à dégainer à tout moment le micro qui dépasse de sa poche de jean, Grégory Montel campe un Mathias profondément touchant dans sa dérive, sous le regard souvent interloqué d’un Jacques impuissant.

" On a essayé de proposer quelque chose d’un peu performatif, qui soit un peu plus original qu’une simple chanson, de casser un peu les codes ", souligne le comédien de 46 ans, qui admet avoir trouvé un certain nombre " d’identifications " avec Claude Nougaro, qu’il a " beaucoup vu " en concert lorsqu’il avait une vingtaine d’années.

" Son physique me parlait beaucoup : c’est un homme pas très grand, qui avait des problèmes avec son image ", qui avait " peur des femmes " tout en étant " fasciné " par elles, qui parlait avec " un accent, énumère celui qui sera bientôt à l’affiche de la série américaine Transatlantic, sur Netflix, tournée en partie à Marseille.

De Nougayork à Ah tu verras en passant par Je suis sous ou Petite fille, les mots du crooner Nougaro traversent quasiment chaque réplique de Mathias.

“On a choisi les chansons qui parlent à ce sosie, ce qui le bouleverse chez Nougaro”, développe Charif Ghattas. “L’idée est de " comprendre Claude Nougaro plus par touches un peu impressionnistes et par son lien à la poésie, à la musique, à cette espèce de sauvagerie aussi des mots, qu’il a chantée toute sa vie ", poursuit-il.

Car " au-delà de l’image publique que peut avoir l’artiste – " le roulement des r, Toulouse, les petits binocles à la fin de sa vie ", " c’est vraiment la vie d’une rock star ", avec des " hauts, des bas, des revanches ", insiste l’auteur, qui revendique une pièce " coup de poing ".

" C’est son rapport au monde qui est violent parce que c’est quelqu’un d’une profonde sensibilité, qui a une difficulté à vivre s’il n’y met pas cette idée de combat et de poésie ", complète-t-il, " or cela, je trouve que c’est très actuel ".

AFP