Dans le cadre de la célébration de son jubilé d’émeraude, le Générateur de ressources et d’activités musicales exploratoires (GRAME) a organisé, le 5 mars, à la salle Varèse du Conservatoire national supérieur de musique et de danse (CNSMD) de Lyon, un concert anniversaire qui s’est aussitôt mué en une odyssée sonore galvanisante. L’Ensemble orchestral contemporain, sous la direction de Bruno Mantovani, a signé, entre autres, une dantesque création au style quintessencié de l’éminent compositeur Gilbert Amy, un des piliers de la musique contemporaine atonale française. Le chef chevronné a ainsi imposé à cette œuvre, basée sur des textes de Jean Thibaudeau, des contrastes sans concession qui revêtent explicitement des couleurs schoenbergiennes, et où il n’est pas rare de déceler une certaine sensibilité impressionniste, sonnant comme des réminiscences debussystes. L’épaisseur sonore de ce mélodrame, incluant une récitante, une soprano et un ensemble instrumental (formé d’un piano, un violoncelle, un alto, un violon, une clarinette basse, une harpe et des percussions), laisse toutefois cours à une pléthore d’audaces mélodico-contrapunctiques. En effet, si la soprano fait entendre un timbre étoffé, alliant maîtrise absolue du souffle (cruciale dans la musique de Gilbert Amy) et équilibre impeccablement pensé des sonorités, la récitante, Judith Rutkowski, parvient à construire, en contrepoint, un récitatif d’une exceptionnelle puissance d’évocation. L’Ensemble orchestral contemporain a, quant à lui, fait preuve d’une maestria sans ostentation et d’une capacité irréprochable à insuffler aux tensions une respiration rythmée, toujours en mouvement. Le compositeur octogénaire a donc relevé un défi de taille en suggérant, à travers une écriture immersive, une palette éclectique de couleurs sonores propres à chacun des seize (micro) mouvements de cette œuvre, qui agrémente la partition d’effets expressifs et qui met ingénieusement en exergue une merveille d’imagination sonore et de construction par étage.