Rosangela da Silva, sociologue de 56 ans et première dame du Brésil, n’hésite pas à s’affirmer dans des tenues à cause, une mode militante: défense de l’environnement, des peuples autochtones, des créateurs brésiliens. Des couleurs criantes, des tissus recyclés ou encore une étoile rouge, affichant ainsi haut et fort le symbole du parti des Travailleurs du président Luiz Inacio Lula da Silva, sur la semelle de sandales en cuir.

À chaque occasion, lors de ses visites dans divers pays, la première dame s’affiche dans une tenue vestimentaire spéciale, portant l’étendard d’une mode engagée. Avant le retour au pouvoir de l’icône de la gauche, Janja, comme elle est surnommée, était plutôt adepte du jean-tennis, y compris pendant la campagne électorale. Mais tout a changé à partir de l’investiture du président de 77 ans, le 1er janvier dernier. Premier choix fort: elle n’a pas porté de robe, mais un élégant tailleur en soie orné de motifs brodés avec des brins de paille par des femmes du nord-est, fief électoral et région natale de Lula. Le tout dans des tons champagne, obtenus grâce à un mélange naturel à base de cajou et de rhubarbe, qui poussent abondamment au Brésil. "Le pantalon est un symbole d’émancipation féminine. À Brasilia, il y a une vingtaine d’années, les femmes ne pouvaient pas en porter pour se rendre au Parlement ou à la Cour suprême", explique Helo Rocha, le styliste qui a conçu la tenue avec Camila Pedrosa.

Le choix des tenues de Janja est en accord avec son intention de "donner un nouveau sens à la fonction de première dame", comme elle l’avait promis durant la campagne, en l’éloignant de sa dimension "patriarcale". "Elle fait de la mode nationale liée aux minorités un des éléments pour construire l’image d’une femme progressiste, féministe, indépendante et liée aux questions sociales ", estime Benjamin Rosenthal, spécialiste en marketing à la Fondation Getulio Vargas. Dans un entretien, Janja a assuré qu’elle se voyait en ambassadrice de la mode de son pays. "J’ai parlé avec des stylistes et j’ai beaucoup appris à leur contact, je veux emmener leurs créations partout où je vais", assure cette femme aux longs cheveux châtains et aux lunettes à montures épaisses. Lors d’une visite officielle en Argentine, elle a porté une jupe longue rouge vif signée Reptilia, griffe très tendance, connue pour ses vêtements faits de tissus recyclés. Janja affectionne les vêtements qui sont "pratiques et lui donnent l’image d’une femme qui met la main à la pâte", dit Heloisa Strobel, 36 ans, fondatrice de la marque Reptilia. "Ce serait étrange de la voir dans une robe moulante dans laquelle elle peut à peine marcher", insiste-t-elle.

Son style est très différent de celui de Michelle Bolsonaro, l’épouse du prédécesseur de Lula, Jair Bolsonaro (extrême droite, 2019-2022), qui portait surtout des vêtements aux tons pastel. Au-delà des tissus recyclés de Reptilia, la première dame a également eu un coup de cœur pour la griffe Misci, très remarquée lors des dernières éditions de la Sao Paulo Fashion Week. Notamment pour un chemisier bleu ciel à motifs rouges représentant Maria Bonita, icône féministe et figure controversée du nord-est brésilien au début du XXe siècle, vue par certains comme une héroïne populaire et par d’autres comme une criminelle sanguinaire.

"La mode est une matérialisation de l’instant socio-politique. Janja utilise notre marque comme un outil pour faire parler ses vêtements", dit Airon Martin, 31 ans, créateur chez Misci, une entreprise en plein boom, qui lorgne sur le marché international. "À l’étranger, le Brésil est connu pour les tongs et le carnaval, mais nous avons également une industrie du luxe qui marche très fort", souligne-t-il.

Marie-Christine Tayah avec AFP.

Instagram : @mariechristine.tayah

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