En 2023, la musique est l’invité d’honneur des musées parisiens. Le Louvre, le Musée des arts décoratif, le Musée d’Orsay… ces grandes institutions deviennent un terrain d’accueil pour les musiciens, chanteurs et compositeurs.

L’album de Phoenix sera joué au Musée des arts décoratifs; Feu! Chatterton s’invite au Louvre pour une résidence de deux mois et des performances exceptionnelles. Albin de la Simone sera l’invité d’honneur du Musée d’Orsay avec, au programme, des concerts et des visites musicales. La musique est tout simplement la nouvelle scénographie des musées de Paris.

Tandis qu’Albin de la Simone est en plein dans la préparation de son nouvel album, Les cent prochaines années, le musée d’Orsay le contacte. "Le musée m’a proposé d’être leur invité d’honneur – ce que j’ai trouvé assez classe – pour l’exposition Manet/Degas (jusqu’au 23 juillet), en me demandant de réfléchir à ce qu’on pourrait faire", relate l’auteur-compositeur-interprète. Plonger dans la future exposition via le catalogue "a influencé le ton de l’album, peut-être dans la cohérence globale", souligne-t-il. Sans parler du titre "Mireille 1972", inspiré par deux œuvres, ​​​​Dans un café – dit aussi L’Absinthe – de Degas et La Prune de Manet.

"Je revenais tout le temps à La Prune et L’Absinthe, deux portraits de femme, des femmes qui m’intriguaient beaucoup; je me demandais pourquoi elles étaient si mélancoliques", explique le musicien. Albin de la Simone ne raconte pas le sous-texte des tableaux dans cette chanson, mais s’est inspiré du regard des protagonistes pour imaginer une autre histoire, celle d’un "avortement illégal, clandestin", tout en restant "explicite, sans prononcer un mot du champ lexical de ce sujet".

L’espace figé se met à vibrer

Les cent prochaines années est paru début mars et Albin de la Simone l’a défendu sur scène pendant trois soirs, début avril, dans l’auditorium d’Orsay.

Deux visites musicales, les 15 et 22 mai 2023, pour un petit groupe de visiteurs, lui permettront de mettre en lien musique et œuvres qu’il choisira. Expérience que cet ancien étudiant en arts plastiques avait déjà menée au Musée d’art moderne de Paris. Albin de la Simone et ses invités auront aussi carte blanche le 29 juin pour une nocturne, avec des concerts sur la passerelle sous la grande horloge au cœur des collections à Orsay.

"L’envie d’Orsay est de faire du musée un lieu vivant, pas seulement un lieu de conservation des œuvres; n’importe quel artiste peut s’approprier les œuvres par la musique, la danse ou toute autre discipline", explique Antonine Fulla, directrice de la programmation culturelle. "Peintres, poètes, sculpteurs ou musiciens, ils furent quelque trois cents artistes à connaître le privilège de pouvoir vivre au Louvre pour y créer: deux siècles plus tard, le musée fait revivre cette histoire", écrit de son côté le Louvre dans son argumentaire autour de Feu! Chatterton.

Concerts nomades 

Le groupe de rock lettré s’est installé "pour une résidence de deux mois", avec un studio aménagé à son intention. Cette installation sera égayée par des "concerts nomades avec des invités", comme l’artiste électro Arnaud Rebotini, pendant les nocturnes du vendredi en avril, une master class en mai et une sortie de résidence avec trois concerts fin mai.

Quant au groupe Phoenix, il a sorti fin 2022 Alpha Zulu, album concocté en pleine crise sanitaire au Musée des arts décoratifs, dans une aile du palais du Louvre à Paris. "Chaque disque, on veut le faire dans un endroit nouveau et, par une coïncidence folle, une vieille amie est devenue directrice de ce musée et elle cherchait à faire des résidences d’artistes; le rêve s’est réalisé", confie Laurent Brancowitz, un des guitaristes de Phoenix.

"Ce que j’ai trouvé le plus inspirant, c’est que notre studio servait aussi à entreposer des objets, des œuvres, comme à la fin des Aventuriers de l’arche perdue, c’était vivant, loin d’un musée figé", se souvient le chanteur Thomas Mars. "C’est semblable à notre façon de faire de la musique, avec des exemples qui vont de Monteverdi, compositeur italien des XVIe/XVIIe siècles, à la dernière création sortie d’un logiciel", affirme-t-il.

Marie-Christine Tayah avec AFP
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