Deux artistes, un thème: une nature polymorphe, son essence se déclinant différemment à travers leurs travaux respectifs. Une complémentarité réflexive et picturale s’illustrant dans les œuvres figuratives de Tamara Haddad au relief perçant ainsi que dans les abstractions colorées de Szilard Huszank. La jonction de leurs travaux crée un dialogue complexe par leur richesse, oscillant entre force et fragilité, ombre et lumière. 

Jusqu’au 16 juin à la Galerie Tanit, l’exposition Landscapes of the mind: Fiction & Reality incite le public à penser la nature autrement et le convie à la questionner.

Lorsqu’on entre dans la galerie, le public ne peut qu’être happé par les toiles colorées de Szilard Huszank. D’origine hongroise, le peintre vit en Allemagne après avoir étudié dans diverses universités, comme l’Université hongroise des beaux-arts et l’École supérieure des beaux-arts de Marseille. La formation académique qu’il acquit teinte ses travaux dès le départ. Les corps et les individus constituent la majorité de ses représentations picturales avant qu’il se libère progressivement de ses sujets. Ce qui le conduit vers l’abstraction: Szilard témoigne qu’il ne s’inspire d’aucun paysage, qu’il peint de manière intuitive, que ses œuvres sont des productions de son imaginaire. Ce qui semble paradoxal, puisque la nature est l’émanation du réel, pourtant on la perçoit dans ce qui s’oppose au réel, au travers des couleurs et des formes vibrantes. L’artiste se libère des injonctions et exprime sa vision en toute liberté: un pari réussi à travers cette sélection de peintures parmi des travaux produits depuis plus d’une décennie.

L’exposition se poursuit avec les tableaux de Tamara Haddad, qui contrastent avec les couleurs vives évoquées précédemment. L’artiste a étudié la publicité à l’ALBA; grâce à un cursus multidisciplinaire, elle a pu se familiariser avec la peinture. Une passion qui l’a incitée par la suite à arrêter la publicité pour s’y consacrer: elle expose en 2012 à l’Institut culturel français, avant d’interrompre sa production pendant cinq ans pour s’occuper de ses enfants. L’artiste confie qu’elle s’est toujours sentie affectée par son environnement et l’ensemble des problématiques entourant sa fragilité lui importe. Son travail se construit sur l’ambivalence entre cette fragilité et la force suggérée par les reliefs: une beauté qui transcende les tensions existantes. Des couleurs sombres, terreuses dégagent une immensité dans laquelle le public ne peut qu’être immergé. Tamara s’inspire de plusieurs matières qu’elle trouve durant ses randonnées. Elle note la présence "d’accidents" sur la toile, qu’elle garde; un processus pictural où surgit l’imprévisible, offrant quelques surprises.

L’alliance de ces deux séries au sein de la Galerie Tanit permet d’aborder la nature sous d’autres angles et canons artistiques; leur maturité permet de considérer autrement cette thématique.

Noame Toumiat

Cet article a été originalement publié sur le site de l’Agenda Culturel.