Le Musée Nicolas Ibrahim Sursock de Beyrouth, semblable à un phénix renaissant de ses cendres, a rouvert ses portes le 26 mai 2023, trois ans après le cataclysme qui l’a forcé à entrer en hibernation. Témoin muet de l’explosion apocalyptique de 2020, ce bastion culturel a connu une métamorphose radicale, resurgissant avec une énergie et une élégance renouvelées.

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L’inauguration de cet événement revêt une signification particulière : celle de la renaissance après le désastre, de la lumière après les ténèbres. Quoi de plus merveilleux que ce message d’espoir, celui de la réhabilitation de cette belle bâtisse iconique qui se dresse comme un symbole de culture et de raffinement, qui raconte la richesse du patrimoine historique et culturel d’un pays maintes fois meurtri dans sa chair, mais qui tel le Phénix renaît de ses cendres et ne cesse de surprendre par sa détermination et sa force de survie.

Ce lieu magique, cœur de l’art moderne au Liban et dans le monde arabe, recommence enfin à battre et vient illuminer de sa façade ciselée comme de la dentelle, de ses gracieuses colonnes à arcades et de ses vitraux colorés, les ténèbres de l’abattement et du désespoir.

Cette restauration tient même du miracle quand on garde en mémoire l’image de la ferraille, des débris de pierres et de verre, des œuvres endommagées, des murs et portes éventrés après l’explosion du 4 août.

Au milieu des décombres, des centaines de bénévoles s’étaient activés pour déblayer et récupérer l’irrécupérable. Mais devant l’ampleur du désastre dans la ville de Beyrouth et ses alentours, plusieurs organismes privés et publics, locaux et internationaux se sont mobilisés dans un grand élan de solidarité pour apporter leur contribution financière et leur expertise.

Parmi les donateurs, l’ambassade de France au Liban, le ministère français de la Culture, notamment les experts du centre Pompidou pour la restauration des vitraux, l’ambassade d’Italie au Liban, et l’agence italienne pour la reconstruction, l’Unesco, l’association Aleph, les fonds arabes pour l’art et la culture, la société Saint-Gobain, pour ne citer que ceux-là…

Grâce à une restauration scrupuleuse, chaque éclat de verre brisé, chaque porte ébranlée, chaque ascenseur endommagé et chaque puits de lumière obscurci ont été méticuleusement ravivés. Les cinquante œuvres d’art défigurées ont retrouvé leur superbe originelle.

La restauration minutieuse englobait la résurrection de chaque fenêtre, y compris l’arc-en-ciel de vitraux emblématiques, la réparation des portes, des ascenseurs, des faux plafonds, des puits de lumière, ainsi que le rétablissement des panneaux de bois traditionnels ornant le plancher historique. Le Musée est également parvenu à respirer à nouveau la vie dans les cinquante œuvres d’art endommagées de sa collection, dont deux toiles inestimables, restaurées par l’équipe du Centre Pompidou à Paris, sont revenues enrichir la constellation artistique du Musée.

Le musée, bien que naviguant encore dans les turbulences de la crise économique, s’évertue à cimenter son avenir financier. Animé par la volonté de toucher un public plus vaste, le Musée a décidé d’enrichir sa programmation culturelle et de tisser une toile de partenariats locaux. Il entend ainsi demeurer une plateforme pivot pour l’art et la culture, et ce, non seulement pour Beyrouth, mais à l’échelle nationale. Pour atteindre cet objectif, tous les futurs programmes seront trilingues.

La séance d’inauguration a débuté par les allocutions des contributeurs et de leurs représentants qui ont mis l’accent sur la nécessité de maintenir le rôle de Beyrouth en tant que ville séculaire et plurielle, le besoin d’entretenir la richesse du musée Sursock, lieu emblématique d’échange et de partage culturel et artistique, unique par sa diversité, essentielle pour assurer l’identité de la nation, renforcer l’éducation, stimuler la créativité, rapprocher les communautés.

Ces discours vibrants d’émotion, chargés de ferveur et de passion, ont été couronnés par un concert offert par le chœur de l’Université Saint-Joseph ; chœur dont les voix, à l’instar de la façade blanche du musée, se sont élevées haut vers le ciel, éclatant comme un chant de victoire contre l’adversité.

La soirée a finalement été clôturée par la visite des salles réhabilitées du musée. Cinq nouvelles expositions sont offertes aux yeux admiratifs du public qui a pu redécouvrir avec un intérêt renouvelé le salon arabe aux murs couverts de bois marqueté ainsi que les multiples œuvres d’art restaurées. Vitraux colorés, tableaux, photos, dessins ou pastels d’artistes renommés ont brillé des mille feux de la résurrection, insufflant espoir en des jours meilleurs, rappelant que l’art est un levier essentiel de résilience en temps de crise.

Nicolas Sursock, dont le portrait fut lacéré par l’explosion,continue encore à nous dévisager du haut de son cadre. La cicatrice sur son visage après restauration est certes refermée, sans laisser de traces à l’instar du musée. Et pourtant, le regard dubitatif du portrait continue à nous poursuivre comme un rappel lancinant, celui d’un devoir de mémoire contre l’impunité afin de pouvoir restaurer la dignité d’un peuple et réécrire son histoire mille et une fois recommencée…

Le Musée Sursock est à nouveau debout, un témoignage de courage, de don de soi et de solidarité.

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