Nathaniel Mary Quinn, étoile montante de l’art contemporain, dévoile ses "portraits intérieurs" à partir du jeudi 8 juin 2023 à Paris dans le cadre d’une exposition intitulée The Forging Years ("Les années de forge"). Ses visages noirs, peints d’un seul coup de pinceau, semblent être d’habiles collages anatomiques où les yeux, le nez et la bouche jouissent d’une vie autonome.

Faisant déjà partie des collections de plusieurs musées aux États-Unis, l’artiste quadragénaire se réjouit de sa "toute première exposition individuelle" dans la capitale française, à la galerie Gagosian. Il présente, jusqu’au 29 juillet, près d’une quinzaine de toiles, dit-il, tout sourire, à l’AFP.

Interrogé sur cette reconnaissance dans le milieu de l’art, après plusieurs rétrospectives consacrées à Alice Neen, Zanele Muholi ou Faith Ringgold à Paris, il répond: "Les institutions ont décidé de réveiller la magie et la magnificence de l’art noir qu’elles avaient négligé et qui a toujours été là. La société change. Mais l’art, c’est l’art. Le Caravage était bon parce qu’il était bon, pas en raison de sa couleur de peau."

Réalisées à l’huile, à l’acrylique et au pastel gras, The Forging Years ("Les années de forge") évoquent une "période difficile" de sa vie, marquée par le décès tragique de sa mère dans des circonstances troubles, liées à la consommation de drogue par son frère aîné et ses dettes envers des dealers. "J’ai été plongé dans le feu de la vie. Cette expérience m’a forgé et a redéfini mon identité. Cette exposition raconte cette histoire", confie-t-il.

Les portraits de sa famille, de ses amis et de sa communauté ressemblent à un amas de viscères ou d’organes, d’où émerge un regard troublant de présence.

Ces "portraits intérieurs" touchent aux états d’âme de leurs sujets, racontant l’histoire d’un homme né à Chicago en 1977, et qui a passé son enfance dans un contexte familial tendu et violent. Ils parlent aussi de l’histoire collective et renvoient à des thèmes universels, faisant écho aux maîtres de l’histoire de l’art.

C’est le manque de temps qui a poussé cet homme, "obsédé par le dessin depuis l’enfance", à concevoir son "langage visuel" si particulier en 2013, permettant de reconnaître sa peinture au premier coup d’œil.

"Je devais présenter cinq toiles pour une exposition, je n’en avais que quatre et je n’avais que cinq heures pour réaliser la cinquième. Je me suis donc concentré sur l’essentiel: le visage et, dans ce visage, les yeux, le nez, la bouche et seulement une oreille, rien d’autre", raconte-t-il.

Pour respecter la règle qu’il s’était fixée, il a isolé chaque partie du visage: une fois dessinée, il l’a recouverte de papier, avant de passer à un autre élément. "Lorsque j’ai enlevé tout le papier, cela a été comme découvrir un cadeau et la naissance de mon nouveau langage visuel, l’expression de moi-même en tant qu’artiste et être humain", ajoute-t-il, imperturbable sous sa casquette, paré d’une chemise blanche sous une veste élégante, d’un jean et de baskets.

"Cette méthode m’a permis d’explorer un spectre humain considérable. Elle transcende toute croyance sociale, éradique tout conditionnement et me permet aujourd’hui d’exprimer ma vulnérabilité et mon empathie pour toucher aux fondements de l’humanité, à ce qui nous compose", confie ce fervent admirateur de Francis Bacon. "Je ressens une certaine affinité avec lui et j’ai beaucoup étudié son œuvre", poursuit-il, évoquant également une époque où il s’adonnait à l’étude de la psychologie sur le terrain, intervenant auprès d’enfants en difficulté, avant de s’engager pleinement dans la voie artistique.

Si ses portraits peuvent évoquer l’usage d’images de synthèse, il avoue ne pas s’intéresser outre mesure aux nouvelles technologies, à l’exception des réseaux sociaux. "Je ne pense pas qu’elles auront un impact significatif sur la création. Pour une raison simple et indéniable: elles évoluent beaucoup plus rapidement que les êtres humains, qui sont toujours en quête de compréhension de soi."

Après Paris, Nathaniel Mary Quinn exposera cet automne dans un grand musée européen, dont le nom demeure pour l’instant confidentiel.

Avec AFP

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