En compétition au Festival de Cannes 2021, Annette, le film de Leo Carax (connu pour Holy Motors, 2012) de deux heures vingt minutes, avec Marion Cotillard et Adam Driver, sur une musique des Sparks, a été projeté en ouverture du festival.

Marion Cotillard, elle, est Anne Desfranoux, cantatrice et chanteuse lyrique de renommée internationale. Il est détraqué, perturbé, arrogant. Elle est tendre, douce, constante. Ils tombent amoureux dans une sublimation du glamour, des stars et de l’amour même… jusqu’à la naissance d’Annette (une scène d’accouchement sublimée, entre rires, musique et fiction), leur enfant. L’équilibre du couple est bouleversé et le spectateur assiste à un compte à rebours sans trop savoir à quoi s’attendre.

Annette est un film qui donne l’espace de repenser les détails du couple sur des rythmes entraînants, des perspectives et des prises différentes. L’ouverture du film se fait théâtralement, comme lors de l’ouverture des rideaux. La musique des Sparks rallume les étincelles et la trame sur un rythme saccadé: "So may we start?". Leo Carax jongle entre théâtre, opéra et cinéma entre découpages, obliques, jeux de lumière et notes déchaînées.

Les éléments s’entremêlent dans une harmonie surréelle: le décor théâtral du film, le visuel grandiose et prenant, la psychologie des personnages incarnée par le jeu des deux acteurs principaux: Adam Driver dans le cru et Marion Cotillard, vulnérable, transcendentale, éthérée et si réelle, qui ressemble dans sa finale de scène d’opérette à une Ophélie au bord de tout. Le couple sombre perpétuellement dans une folie en équilibre instable. Tout ne tient qu’à un fil, celui du marionnettiste Leo Carax. Ce jeu prenant nous laisse comme une envie d’aller chercher au-delà de la toxicité, de la noirceur ou du superficiel, le pourquoi des êtres et des choses mais aussi la limite entre l’art et l’artiste – ce que ni script ni caméra ne peuvent saisir… Cette limite insaisissable, existe-t-elle vraiment?

Annette est une comédie musicale et un hommage au grand écran qui sublime grâce au septième art des histoires de célébrités, de chute après la montée en flèche et la flèche de Cupidon qui va à la dérive sur un air de "We love each other so much".

Quant au scénario, le choix des mots et de répliques demeure au premier degré, sortant de la fiction du film et plongeant le spectateur dans une longue histoire d’amour, d’égo, de succès et de scandales… Un tourbillon infernal qui s’éternise… Une grande vague interminable à la Hokusaï dont on commence à voir la fin interminable dans la phrase ultime d’Anne Desfranoux: "Is nothing sacred to you?"