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L’association Jocelyne Saab propose une rétrospective intégrale portant sur le parcours de la journaliste et reporter de guerre franco-libanaise. L’événement a été lancé le 18 novembre et se poursuivra jusqu’au 18 décembre à Paris. Ici Beyrouth s’est entretenu à ce propos avec Mathilde Rouxel, cofondatrice et présidente de l’association.

Valoriser le patrimoine artistique de Jocelyne Saab (1948-2018), contribuer à la restauration de ses œuvres et leur assurer une large diffusion: tels sont les objectifs de l’action assidue menée par l’association Jocelyne Saab, animée par des bénévoles sous la direction de sa cofondatrice Mathilde Rouxel.

Une vie, une œuvre

La réalisatrice franco-libanaise est principalement connue pour ses documentaires portant sur la guerre libanaise. Considérée comme une pionnière au niveau du cinéma arabe, elle a produit une œuvre monumentale comprenant 47 films et 6 séries photographiques. Pour mieux comprendre la personnalité de la réalisatrice, Ici Beyrouth a demandé à Mathilde Rouxel de nous parler de Jocelyne Saab en se basant sur trois de ses films.

"Jocelyne Saab a beaucoup misé dans son travail sur sa personne et sur son engagement à la fois personnel, individuel et politique, souligne Mme Rouxel. Si on voulait résumer la personne de Jocelyne Saab et la comprendre dans l’intégralité de sa carrière, qui est très longue puisqu’elle a débuté en 1973, jusqu’à son décès en 2018, je pense que l’un des films qui pourrait la caractériser le mieux serait évidemment Lettre de Beyrouth où elle incarne pour la première fois dans son propre travail, son rapport au Liban. Elle montre surtout sa volonté de se déplacer et son envie de comprendre, avec une touche d’humour, qui est très présente, mais aussi du sarcasme face à une situation qui échappe à tout le monde."

Et de poursuivre: "Je dirai aussi Beyrouth ma ville qui, je pense, est un exemple de sa grande capacité à collaborer avec des artistes, puisque le texte a été écrit par Roger Assaf et c’est un travail qui a été réalisé évidemment sur le terrain à Beyrouth-Ouest, mais aussi avec tous ses collaborateurs habituels."

"Sur le plan de la fiction, ajoute Mme Rouxel, je pense qu’on pourrait évoquer Dounia qui est quand même son plus grand film. Elle a mis sept ans à achever ce film qu’elle avait envie de tourner en Égypte, en hommage à tout le cinéma égyptien qu’elle adorait. C’était pour elle à la fois une grande aventure mais aussi une douleur extrême parce qu’il a été très mal reçu en Égypte et censuré."

Mathilde Rouxel

Un patrimoine restauré

Jocelyne Saab a légué un patrimoine important de films couvrant tous les grands conflits du Moyen-Orient, entre 1973 et 1982, permettant ainsi de saisir dans leur subtilité à la fois toute la progression esthétique du cinéma produit par la cinéaste et toutes les évolutions idéologiques et politiques qui ont secoué la région. Le manque d’institutions consacrées au cinéma au Liban n’a pas permis à Jocelyne Saab de conserver ses œuvres dans son pays d’origine de son vivant. Pallier ce déficit est le défi que relève aujourd’hui l’association, en restaurant ses œuvres et en les diffusant en DVD très prochainement.

À ce jour, l’ensemble des films concernant le Liban que Jocelyne Saab a réalisés entre 1974 et 1982 à titre indépendant ont été restaurés, montrant les images fortes de cette cinéaste qui a marqué le dernier tiers du vingtième et le début du vingt-et-unième siècle – soit onze films, courts ou longs métrages réalisés en 16 mm pendant la guerre civile libanaise.

La rétrospective intégrale

La diffusion de la rétrospective a déjà été lancée et a débuté les 8 et 29 octobre avec des projections à Paris, à la Cinémathèque du documentaire de la Bibliothèque publique d’information (BPI) du centre Georges Pompidou, et au Forum des images, avant d’inclure le Québec du 1er au 4 novembre puis Berlin, du 10 au 12 novembre.

Retour à Paris où la rétrospective était au programme du Festival franco-arabe de Noisy-le-Sec, dont Mme Mathilde Rouxel est la directrice artistique. Elle s’est étendue ensuite à plusieurs salles et institutions culturelles. "On essaie de montrer ces films à différents publics dans le monde entier pour leur donner des clés de lecture sur ce qui se passe aujourd’hui au Moyen-Orient parce que cette situation est très complexe, souligne Mathilde Rouxel. J’estime que c’est très dangereux aussi de ne pas comprendre l’histoire et de ne pas tenir compte de ce qui se passe depuis 70 ans. Nous avons des images pour ça", explique Mathilde Rouxel dans un entretien express accordé à Ici Beyrouth, mettant l’accent sur l’importance de la restauration et de la diffusion des films de Jocelyne Saab. "Toutes les fictions de Jocelyne Saab seront projetées et ce sera la première fois en France que l’intégralité de son travail sera présentée. En tout, plus d’une trentaine de films et une dizaine de vidéos sont inclus dans cette initiative."

Jocelyne Saab

La rétrospective ne se limite pas aux projections de l’œuvre de la journaliste et reporter. Une journée d’étude à l’université Sorbonne nouvelle est organisée, mais aussi des rencontres avec les collaborateurs de Jocelyne Saab et des personnes qui l’ont connue, qui peuvent rapporter énormément d’anecdotes. Mathilde Rouxel est particulièrement fière de ces rencontres parce que ce sont des témoignages à recueillir et qui permettront d’avoir une histoire plus générale, en accueillant plusieurs invités. "Le travail de Jocelyne mérite d’être montré partout en ce moment parce qu’il permet aussi ce recul par rapport à la situation actuelle, conclut Mme Rouxel. Le cinéma est une arme dont beaucoup s’emparent pour militer, mais Jocelyne y a eu recours pour dénoncer et pour témoigner."

Pour suivre la rétrospective et toutes les activités de l’association, rendez-vous sur leur compte Instagram @jocelynesaabasso

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