Toucher, foudroyer, bouleverser, les mots s’entremêlent, en quête d’émotions… On regarde entre les lignes, scrute les ponctuations, interprète les silences, analyse les soupirs… Qui a osé dire qu’ils n’étaient qu’accessoires, les mots? Qu’une image vaut mieux que mille mots? Ils manipulent, ils aimantent, ils mentent. Ce n’est pas au hasard qu’on les lie et ce n’est pas par hasard qu’ils donnent des frissons dans le dos et cette boule de chaleur au creux du ventre. 
Ils arrachent, déchirent et se glissent dans la nudité des mots crus.
Les mots tuent…
Motus et bouche cousue. 
Poitrine serrée, cœur pillé, éparpillé,
Transpercé d’aiguilles translucides, amères, acides.
Les mots feints… Les mots fins.
Les mots qui nous laissent sur notre faim.
Les mots font mal, et puis cajolent et puis consolent. 
Les mots cachent, les mots masquent. Créent des distances. Dressent un paravent. Figent dans l’espace-temps. 
Évanescence en pleine effervescence. 
Résistance. 
Maudit mot dit.

Ce qui suit n’est pas une critique de The Club (ou Kulüp en version originale), la série turque sur Netflix. C’est un avis personel sur une série coup de cœur, et le personnage de Matilda qui m’a particulièrement touchée. Bien qu’il parle d’histoire vécue, The Club n’est pas un documentaire ou une pièce historique. Ce sont plusieurs histoires entrelacées, explorant des personnages qui cherchent chacun sa place dans ce monde, jonglant les traumatismes de l’enfance, l’absurdité de la politique, l’histoire qui, grâce à l’amour, peut bel et bien chambouler la réalité, et les mots, cette potion magique capable de guérir les souvenirs et créer un sentiment d’appartenance… même en pleine errance.

La famille et les dommages psychologiques

Les exemples de parents méchants ou tout simplement toxiques ne manquent pas au cinéma. Ils dévalorisent, sapent la confiance de leur progéniture, prodiguent des conseils bidons ou donnent le mauvais exemple. De quoi assurer à leurs enfants un socle instable dans la vie. Or la famille c’est le tremplin entre l’individu et le reste du monde. C’est le tout premier modèle que nous prenons pour commencer à nous lier. Un point de départ social dont l’influence, très souvent, va bien au-delà de l’enfance.

Ainsi, The Club est une série qui reflète une réalité très éloignée d’une situation idyllique. Mais qui se répète bien plus que nous le voudrions. Orhan, Selim et Ismet: trois personnages traumatisés par des parents toxiques. Des parents qui leur crachent leur venin à chaque fois qu’ils ouvrent la bouche pour parler. En tant qu’êtres humains, si quelqu’un nous met mal à l’aise, nous nous défendons immédiatement, mais que se passe-t-il quand ce sont les parents qui nous font sentir mal? Quand le nid se transforme en une toile d’araignée?

La mère d’Orhan ne le valorise pas. Elle le diminue en l’attaquant constamment. Le jour où elle lui dit être "fière de lui", elle s’avère atteinte de schizophrénie. Il finit par l’étouffer avant de mettre le feu autour d’eux dans une scène finale aussi psychosée que la maladie qui avait attaqué sa mère.

Chez les parents de Selim, qui ont exercé un contrôle oppressant sur sa vie, mieux vaut ne pas sortir du cadre. Il veut chanter et faire du spectacle, mais son père ultra-rigide ne l’entendra pas de cette oreille. Démoli par ce patriarche omnipotent et oppressant, il noie son trauma – et son moi – dans l’alcool.

Ismet, un homme dont l’existence a été envahie par un père maltraitant, refuse l’amour qui lui a été refusé. Même quand il tombe amoureux et fait tomber enceinte la femme de sa vie.

Des personnages qui se débattent entre l’attachement naturel pour ceux qui leur ont donné la vie et le panorama désolant d’un environnement empli de frustrations… au lieu d’être dominé par l’amour et la protection.

Matilda, une femme transcutanée 

Matilda et Selim

Matilda est une femme transcutanée. C’est à travers la peau de Selim qu’elle passe à chaque fois. C’est sa présence et ses mots doux pleins de sens qui traversent sa chair pour le guérir en dedans comme une lotion qui ne pique pas, qui ne tache pas. Au bout d’un moment, toutes les plaies ont disparu.

Matilda et Çelebi 

L’ayant aimée en secret depuis qu’il travaillait chez son père, Çelebi a dû attendre jusqu’au tout dernier épisode pour lui arracher un mot tendre, qu’il tient bien serré dans son poing. Un mot chaud qui veut seulement dire quelque chose pour lui et qui n’a point à dire pour les autres. Un tout petit mot qui transforme complètement sa physionomie. Du coup, ce n’est plus le brutal Çelebi. Du coup on oublie ses bassesses et ses petitesses et on veut juste l’enlacer, nous aussi, tout comme Matilda l’a fait.

Bref, The Club est une série qui m’a fait chaud au cœur, en plein hiver. En plein désespoir dans un pays qui, hélas, a besoin de bien plus que des mots doux pour guérir et où la classe politique parle pour ne rien dire.

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !