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Après un succès à Avignon et à Paris, le texte d’Au scalpel atterrit à Beyrouth. La pièce se joue à l’ACT du théâtre Le Monnot du 7 au 31 mars 2024 et du mardi au dimanche à 19h. Le texte d’Antoine Rault est interprété par Nadim Chammas et Cyril Jabre, mis en scène par Lina Abiad et en lumière par Hagop Derghougassian. 

Doit-on toujours aimer son frère? Peut-on tout lui dire? Dédié aux figures d’Abel et Caïn, Au scalpel pose cette double question. Deux frères. L’un est un brillant chirurgien à qui tout réussit. L’autre est un photographe qui semble assez content de lui. L’un était le premier de la classe. L’autre était le fils préféré. Il était amoureux de la femme de son frère. Son frère n’était pas indifférent à la sienne. Mais ils ne se sont jamais vraiment parlé. Jusqu’à ce soir… qui est Abel? Qui est Caïn? Et que s’est-il vraiment passé entre eux? 

Les deux acteurs se font face et répondent généreusement aux questions d’Ici Beyrouth.

Nadim Chammas

Comment avez-vous rencontré ce texte d’Antoine Rault? Pourquoi ce choix de registre particulier?

Je suis toujours à l’affût de beaux textes de théâtre et j’ai découvert le texte d’Au scalpel grâce à la revue L’Avant-Scène Théâtre qui publie la pièce. J’avais déjà lu un roman d’Antoine Rault, La danse des vivants. Avec Au scalpel, j’ai été immédiatement captivé par le texte magnifique, l’écriture ciselée, tranchante et subtile. Chaque réplique peut être interprétée de manière différente et on en découvre les multiples sens au fur et à mesure de la lecture (ou de l’interprétation). Le registre m’a semblé très intéressant: on passe de la comédie au thriller en un instant, on rit puis on s’insulte, on se pardonne, on se ment, on se dit la vérité, le tout à un rythme effréné, en 1 heure et 10 minutes.

Que retenez-vous des répétitions avec Lina Abiad?

Les répétitions avec Lina Abiad sont toujours pour moi des moments de grand bonheur. Malgré une certaine tension, normale en période de répétitions, Lina ne cesse de pousser ses acteurs à suggérer, varier, tester, interpréter différemment. Nous sommes constamment incités à nous poser les bonnes questions. Cela représente beaucoup de travail parce que, bien entendu, les questions nous poursuivent, même après la fin des répétitions. Et enfin, concernant la scénographie, voir Lina à l’œuvre est une grande leçon, pas seulement de théâtre mais aussi de créativité et d’humilité. Nous avons vraiment une chance inouïe de pouvoir travailler avec une metteuse en scène de ce calibre.

Quelles ont été les difficultés pour vous approprier votre rôle et construire votre personnage?

La pièce passe par plusieurs états de nature différente. Nous basculons du rire à la tension littéralement au détour d’une réplique, ce qui rend l’interprétation assez délicate. J’ai donc réalisé, au fur et à mesure de la préparation du rôle, que cela me demanderait une construction encore plus solide et profonde du personnage pour être bien armé afin d’emmener Cyril (ou le suivre) sur ces différentes tonalités. Par ailleurs, le texte est très fin, précis et exige plus que jamais une grande attention. Enfin, comme souvent, Lina transforme les lieux – et donc notre interprétation sera rendue plus difficile par la nouvelle disposition de l’ACT. Je n’en dis pas plus.

Cyril Jabre

En quoi le texte de la pièce vous a-t-il interpellé?

Ce qui m’a interpellé dans le texte, ce sont les non-dits qui rendent les personnages assez surprenants, s’envoyant des piques autant que possible sans vraiment dire les choses. La mesquinerie, l’hypocrisie qu’ils ont l’un envers l’autre, ainsi que le malaise et la haine qu’ils éprouvent, m’ont vraiment poussé à vouloir accepter le rôle du médecin dans la pièce.

Quels sont les points communs que vous avez personnellement avec votre personnage?

Les points communs que je pourrais avoir avec mon personnage seraient peut-être le divorce que j’ai vécu et surtout la relation ambiguë que j’ai eue avec les enfants du mari de ma mère. Pendant 60 ans, nos relations étaient correctes, mais juste correctes. Cependant, à la mort de nos parents, la mort de ma mère et de leur père a révélé une haine terrible envers nous, envers ma sœur et moi. Cela ressemble un peu à la haine qu’il y a entre les deux personnages. Je dirais que c’est cela qui m’aide à entrer dans ce personnage.