A Streetcar Named Desire (1951) est un film américain légendaire, adapté de la pièce éponyme de Tennessee Williams, lauréate du prix Pulitzer 1948. L’action se déroule pendant une période de changement en Amérique après la Seconde Guerre mondiale. Mise en scène en français par Pauline Susini, la pièce Un tramway nommé désir se joue à Paris, au théâtre des Bouffes parisiens jusqu’au 28 avril.

Basée sur le film A Streetcar Named Desire, l’adaptation scénique de Pauline Susini en 2024 a relevé le défi. En 1951, réaliser un film basé sur la sexualité des personnages sans montrer de scènes explicites était une prouesse. La pièce a réussi à relever ce même défi en 2024, donnant vie à des personnages légendaires, dans une performance subtile, mais crue. L’émotion est la même que celle du film, dans une scénographie méticuleuse, ramenant l’ambiance des années passées, le décor et les personnages aussi près de leur réalité fictive que possible.

L’intrigue raconte l’histoire d’une femme qui vient de loin pour vivre avec sa sœur et le mari de celle-ci. Blanche a perdu son jeune mari qui s’est suicidé et elle devient de plus en plus instable. Elle est également hantée par la mort et presque obsédée par le fait de mourir. Elle plonge dans une réalité floue alors qu’elle échoue à réaliser son désir ultime. La pièce aborde des thèmes tels que le désir sexuel, la boisson, la mort, le fantasme, le viol et l’illusion, ce qui la rend aussi puissante aujourd’hui qu’elle l’était il y a des années. En effet, dans le temps, Paramount avait en tête de porter la pièce à l’écran. Cependant, le projet a été arrêté car il risquait la censure. Des leçons morales, humaines et éthiques émergent encore en le regardant: pourquoi mentir fait du mal aux personnes que l’on aime, le danger de l’abus, les relations humaines et les conséquences des connexions, mais aussi, rester fidèle à soi-même. "L’habit ne fait pas le moine" semble s’appliquer à Blanche Dubois, qui représente les femmes de la société de l’époque mais aussi de nos jours.

Le texte de Tennessee Williams n’a pas pris une ride. C’est un grand moment de théâtre dramatique soutenu par une intensité tenue de bout en bout avec des acteurs qui se soutiennent et soutiennent leurs rôles à la limite de la logique du personnage et de sa folie, à la frontière entre réel et illusion. Il est vrai qu’"il n’y a pas de petits rôles". La performance des acteurs était captivante. Dès que Christina Realli est apparue sur scène, on pouvait entendre des gens dans le public chuchoter "Blanche…". La voilà, devant leurs yeux, aussi célèbre qu’elle l’était autrefois. L’actrice incarne si bien le personnage, des étincelles dans les yeux, les suspensions à l’extension de ses gestes, les non-dits dans son langage, le silence dans sa voix et les mots poignants dans son silence. Ainsi, Cristiana Reali subjugue l’audience par sa présence dans son rôle de Blanche Dubois. Elle est crédible et attachante.

Alysson Paradis, Nicolas Avinée, Lionel Abelanski, Marie-Pierre Nouveau, Tanguy Malaterre et Djibril Pavadé se soutiennent dans un tramway aux illusions perdues, emportant l’audience sur les ailes du rêve vintage qui perdure dans sa folie à travers le temps. Un nouvel espace scénique, dans un décor à la Vaudeville, mais aussi un autre espace culturel, français, et dans lequel les personnages raisonnent et résonnent si bien. "Je ne supporte pas plus une ampoule nue qu’une remarque grossière ou une action vulgaire", dit Blanche. Voilà une de ces phrases qui restent ancrées dans les esprits au fil des ans. Le texte de Tennessee Williams continue de nous hanter, tout comme ses personnages et leurs tourments, si proches des tourbillons de l’âme.

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