Écoutez l’article

Reynaldo Sayegh expose sa dernière série d’œuvres, Puertas del Mediterraneo ("Portes de la Méditerranée") à l’institut Cervantès de Beyrouth du 18 au 30 avril 2024. Cette exposition sera également présentée au centre culturel AZM de Tripoli du 2 au 9 mai et à la villa Paradiso de Batroun du 10 au 15 mai.

Dans la conjoncture mondiale actuelle, il serait légitime de se demander si l’art pourrait encore proposer une issue, une solution ou même une réponse à l’absurde.

Par bonheur, les artistes ne peuvent s’empêcher de créer ou recréer le quotidien, l’évasion, la solution, non sans avoir préalablement plongé plumes ou pinceaux dans leur terreau d’origine et dans leur vécu.

C’est l’objet et la mission de Reynaldo Sayegh, artiste qui sort des sentiers battus à travers un long parcours de peintre autodidacte et de designer et réalisateur d’objets présents dans la majorité des foyers libanais, reconnus au premier coup d’œil par tous les nostalgiques du pays. Cet homme à la personnalité éclectique n’en est pas à sa première exposition. Mais la dernière en date, Puertas del Mediterraneo ("Portes de la Méditerranée"), organisée en collaboration avec l’institut Cervantès de Beyrouth du 18 au 30 avril 2024, revêt un sens particulier.

Reliant l’Orient à l’Occident, le Levant à l’Andalousie, le Liban à l’Espagne, Reynaldo a entrepris ce que tout citoyen libanais ayant vécu l’expérience traumatisante des événements du Liban se devrait de réaliser au cours d’une vie: un travail approfondi et cathartique sur la mémoire, une recherche intense des racines et du sens. Les dons artistiques de Reynaldo Sayegh lui permettent cependant d’exorciser le vécu en l’exposant sur ses grandes toiles à la lumière des portes et fenêtres ouvertes sur la Méditerranée. 

Une série de douze œuvres a ainsi été réalisée après une longue étude sur les parcours et les points de rencontre des deux pays et un dialogue s’est instauré dans l’œuvre, caractérisé par un humour décapant et un souci extrême du détail entre monuments, symboles, peintres, compositeurs, géants de la littérature espagnole et leurs équivalents et homologues libanais.

Monastères du Mont-Liban et cathédrales baroques espagnoles, chefs-d’œuvre de la peinture de Picasso décomposés et reproposés comme dans une toile au style cubique explosée par l’artiste lui-mệme, pensées disparates tracées sur fond d’échiquier, lettres phéniciennes faisant des allers-retours entre Tyr et Crệte, Cadmos affrontant Zeus, Feyrouz honorant Aranjuez à travers le concerto de Rodrigo, les idéaux du prophète de Gibran saluant ceux du chevalier errant de Cervantès, la route de la soie serpentant des caravansérails du Levant jusqu’aux marchés de Valence, rien ne manque à l’appel. Différentes toiles saluent l’Histoire: les vagues d’occupants du pays de Canaan, envahisseurs dont les civilisations laissent au pays un apport pareil au limon fécond qui engendre le caractère libanais, les différents chefs des communautés libanaises coexistant sans remous, preuve irréfutable que les dix-huit rites du pays ne sont pas incompatibles, à l’image des trois religions des habitants de la Tolède du treizième siècle, ancienne capitale de Castille. Il est important de citer enfin l’œuvre qui retrace les faits marquants de la guerre civile, enserrés comme un arbre aux fruits vénéneux sous une arche étroite. Tout est éviscéré, réinterprété et sans doute exorcisé, dans un puissant parcours intérieur qui prend à parti l’observateur.

Après Beyrouth, l’exposition se poursuivra au centre culturel AZM de Tripoli – capitale culturelle arabe de 2024 – du 2 au 9 mai et à la villa Paradiso de Batroun du 10 au 15 mai. Tout voyage entrepris est une découverte de soi à travers la découverte d’un ailleurs, magnifiquement partagé. À découvrir et redécouvrir encore. 

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !