L’évènement dans l’évènement : album en vue pour les Red Hot Chili Peppers, usine à tubes qui retrouve John Frusciante, guitariste virtuose au parcours fou, entre rêve réalisé, addictions-monstres domptées et projets solos baroques.

Pour annoncer leur retour la semaine passée, le groupe américain lâche quelques secondes sur les réseaux sociaux, avec leur logo sur fond d’accords de Frusciante, reconnaissable entre mille. Suivra le surlendemain un premier single, " Black Summer ", annonciateur d’un futur album, " Unlimited Love " prévu le 1er avril.

" Tout le monde parle de Flea (bassiste, cofondateur et personnage hors-norme, NDLR), mais les Red Hot, musicalement, c’est John ", décrypte pour l’AFP Salomon Hazot, producteur de leurs concerts en France pendant des décennies.

" On a tellement la chance de l’avoir, il est passé tellement près de la mort ", complète auprès de l’AFP Waxx, guitariste français, animateur sur la radio RTL2 et de la capsule musicale " Fanzine " sur YouTube.

Retour sur une trajectoire " complètement dingue " comme la décrit Waxx. Avec la drogue en fil rouge dès les premières pages: c’est pour remplacer Hillel Slovak, guitariste des RHCP mort d’overdose, que Frusciante intègre le groupe, dont il est fan, à 18 ans.

Il participe aux albums " Mother’s Milk " (1989) et surtout " Blood Sugar Sex Magik " (1991) qui change leur vie. De figures de la scène alternative de Los Angeles, les Red Hot deviennent des mégastars convoyées en limousines pour les shows sur MTV.

– " Souffre-douleur " –

Le riff du tube " Under The Bridge ", c’est Frusciante. Le guitariste joue d’ailleurs ce morceau en live dans un état second, miné par les drogues, sur le plateau du prestigieux Saturday Night Live.

La béquille qu’il pensait trouver dans l’héroïne pour surmonter sa nouvelle vie le dévore.

" Aujourd’hui, les choses ont changé, mais quand il arrive dans le groupe, c’est un peu le souffre-douleur ", relate Waxx. Salomon Hazot le décrit aussi au départ comme " l’enfant au fond de la classe qui baisse la tête suit les autres, même quand on lui jette des pierres, c’est le surdoué, mais personne ne le sait et lui n’en joue pas ".

Le succès n’arrange rien. " Il est passé d’enfant à adulte avec eux et avec le mégasuccès, je ne suis pas psy, mais c’est sans doute très compliqué pour se construire " abonde Waxx.

En 1992, Frusciante quitte le groupe, en pleine tournée mondiale, pour se lancer en solo et sombre dans l’auto-destruction. " Je suis devenu un junkie, c’était une décision, les seules fois où j’étais heureux c’était sous drogues, je pensais que je devais en prendre tout le temps " raconte-t-il un jour dans le magazine Spin.

Dans " Stuff ", documentaire filmé par l’acteur Johnny Depp, un proche, on le voit au milieu des années 1990, silhouette cadavérique, dents qui se déchaussent et bras rongés par des piqûres devenues lésions.

– " Leur George Harrison " –

Et la peau lui restant sur les bras brûlera dans l’incendie de sa maison…

Une cure de désintoxication lui sauve la vie à la fin des années 1990. Nouvelle dentition, greffes de peau, il est rappelé par les RHCP qui ne s’entendent pas avec leur nouveau guitariste, Dave Navarro. C’est le miracle " Californication " (1999), album rempli de hits. Frusciante y impose sa patte avec des mélodies qui transpirent les Beatles ou les Beach Boys.

" À chaque fois que les Red Hot ne sont pas bien, que quelque chose ne va pas, ils font revenir Frusciante, c’est un peu leur George Harrison, qui était essentiel à l’équilibre des Beatles ", glisse Waxx.

Car Frusciante quitte le navire à nouveau en 2009, sans retomber dans les drogues, pour participer à différents projets. Même au sein des Red Hot, il est toujours resté à part, " mystérieux ", comme le dit Salomon Hazot. En solo, il s’ouvre à toutes les expérimentations à l’image de son inclassable " PBX Funicular Intaglio Zone " (2012).

Après le passage du guitariste Josh Klinghoffer, Frusciante, quinquagénaire au look christique, revient donc encore comme le messie. " Il a un impact profond sur tout ce qu’on a fait, même quand il n’était pas là ", synthétise Flea sur une radio américaine.

© AFP