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Charles Aznavour est né le 22 mai 1924. Décédé en 2018, il aurait eu aujourd’hui cent ans. Ici Beyrouth se penche sur la dimension de parolier, du mythe qui a porté plusieurs casquettes, celle de la composition musicale, de l’interprétation magistrale et de l’écriture de titres cultes de la chanson française.

À l’occasion du centième anniversaire de Charles Aznavour, il est intéressant de revenir sur les textes qu’il a écrits, d’autant plus qu’il a toujours privilégié le texte parmi les trois piliers de la chanson. En ce sens, il avait un jour déclaré lors d’un entretien télévisé: "Il n’y a pas de meilleurs textes que les textes français des chansons. Nous sommes les plus forts." Il s’indignait devant la négligence des médias vis-à-vis du parolier qu’ils omettent de citer. "On annonce une chanson, en la réduisant à l’interprète, en disant par exemple c’est une chanson de Dalida", sans nommer le vrai auteur de la chanson, alors que "ce n’est pas Dalida qui l’a écrite". Le monument français a chanté en neuf langues, donné des centaines, voire des milliers de concerts dans quatre-vingt-deux pays. Des artistes comme Ray Charles, Bing Crosby et Fred Astaire ont repris ses chansons. Cet article a pour but de saluer la mémoire d’Aznavour, l’immense parolier, à travers un bouquet de chansons qu’il a écrites pour lui-même et pour les grands noms de la chanson. Dans un sondage réalisé par la CNN en 1998 et par Time Magazine, Aznavour a été désigné le chanteur de variétés le plus populaire du vingtième siècle, devant Bob Dylan (prix Nobel de littérature en 2016), Frank Sinatra et Elvis Presley.

Des chansons écrites par Aznavour pour Aznavour

Je m’voyais déjà, paroles et musique d’Aznavour, est l’une des premières chansons qui le fit connaître du grand public, quand il se débattait, depuis belle lurette déjà, pour conquérir l’auditoire et qu’il ne récoltait que des critiques acerbes sur son physique et sur sa voix. Cette chanson raconte sa détermination et sa confiance en soi qui le propulseront au firmament des étoiles. Comme si, en poète visionnaire, il voyait déjà son étoile rejoindre le Walk of Fame d’Hollywood, comme ce fut le cas en 2017. Hier encore, écrite et composée par Aznavour, véhicule la nostalgie, l’un des thèmes majeurs de son œuvre. Elle nous ramène aux jours heureux de l’insouciance, de la jeunesse, des belles amours et des défis qui pimentent la vie. Sa version anglaise,Yesterday When I Was Young, fut publiée aux USA et au Canada aux côtés de ses succès des années 50 et 60. Emmenez-moi, dont les paroles sont d’Aznavour et la musique de Georges Garvarentz, son beau-frère, vient en tête de liste de ses succès planétaires, toutes périodes confondues. L’anecdote veut qu’Aznavour, parti en voyage à Monaco et apercevant des gens misérables empilés dans un bateau de fortune, s’exclame: "La misère est moins pénible au soleil." Ces mots restent gravés dans la mémoire du "Sinatra français". Ils sont le déclic pour écrire la chanson précitée qui rivalise avec sa chanson-mythe La Bohème. Selon plusieurs sources, celle-ci serait coécrite avec Jacques Plante. Néanmoins, Charles Aznavour aurait évoqué, dans l’un de ses entretiens, qu’il a signé uniquement la musique de La Bohème, ce qui fait de Jacques Plante l’auteur de la chanson culte. De même, contrairement à l’idée répandue qui prête à confusion, La Mamma a été écrite par Robert Gall et composée par Charles Aznavour. En 1972, une décennie avant la dépénalisation de l’homosexualité, Comme ils disent, paroles et musique d’Aznavour, lui permet d’aborder un sujet très tabou, d’une façon aussi éloquente qu’audacieuse. Aznavour avait, dans son cercle d’amis, des homosexuels qui souffraient du rejet de la société et il luttait lui-même contre l’homophobie. On était encore très loin du wokisme et de ses dérapages. Sidérés d’entendre ce thème, que la chanson française n’avait jamais traité, ils lui demandent qui oserait la chanter. "Moi", répond Charles Aznavour, tout simplement, avant d’ajouter, "il n’est pas question de reculer". La petite histoire à l’origine, racontée par Robert Belleret, dans Vie et légendes de Charles Aznavour, veut que Claude Figus, l’homme à tout faire d’Aznavour et le grand fan d’Edith Piaf, présente à la Môme son ami Théo Sarapo. Piaf aura le béguin pour le beau jeune homme de vingt ans, l’épousera et chantera en duo avec lui. Claude Figus, se sentant abandonné par la diva qu’il vénérait et l’ami qu’il aimait, se suicide l’année suivante. Tu te laisses aller a été écrite par Charles Aznavour, non point dans une vision machiste, mais dans un refus de la négligence et du relâchement, qui détruisent le couple à petit feu. Non, je n’ai rien oublié, paroles de Charles Aznavour, qui explore toutes les nuances de la nostalgie amoureuse, fera dire à Patrick Bruel que "cette chanson est une merveille, un chef-d’œuvre" autant par sa construction que par ses évocations à la manière d’un film de cinéma. Bruel aurait souhaité en être l’auteur. She a été coécrite avec le parolier britannique Herbert Ktretzmer et composée par Aznavour, pour la série britannique Seven faces of woman (Les sept visages d’une femme). Elle marque l’entrée triomphale d’Aznavour dans le monde anglo-saxon et atteint la première place au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas et en Australie.

Des chansons écrites par Aznavour pour les autres stars de la chanson

Aznavour a commencé sa carrière en écrivant pour les autres. C’est un gars et Plus bleu que tes yeux sont deux chansons interprétées par Edith Piaf, la première à lui donner sa chance, quand il n’était encore que son secrétaire et chauffeur. Retiens la nuit et Bonne chance furent écrites pour Johnny Hallyday. Je hais les dimanches, interprétée par Juliette Gréco, lui a valu le prix Edith Piaf au concours de la chanson en 1951. Je t’attends et Méqué mé qué, paroles d’Aznavour, furent interprétées par Gilbert Bécaud. La plus belle pour aller danser, rédigée pour Sylvie Vartan, avait choqué Johnny Hallyday, trouvant le texte, en partie, osé. Mon mec à moi pour Mireille Mathieu; Jolies mômes de mon quartier pour Maurice Chevalier; Je parlerai de toi pour Michel Fugain et Je reste seule pour Amel Bent, qu’il avait prise sous son aile, parmi la nouvelle génération.

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