François Ozon a fait souffler l’esprit des années 1970 pour l’ouverture de la Berlinale avec son " Peter von Kant ", une relecture passionnée d’une figure tutélaire du cinéma allemand, Fassbinder, en course pour l’Ours d’Or.

Il y a quarante ans, l’œuvre originale de Rainer Werner Fassbinder, " Les larmes amères de Petra von Kant ", était montrée lors de ce même festival.

La présentation de cette nouvelle version, librement inspirée de l’originale, tenait à cœur à François Ozon, cinéaste stakhanoviste et éclectique, pour qui le réalisateur et homme de théâtre allemand décédé il y a trente ans est un modèle, dont il s’était déjà inspiré pour " Gouttes d’eau sur pierres brûlantes " (2000).

Il a choisi cette fois une œuvre qui explore la nécessité et l’impossibilité d’aimer, ainsi que l’ivresse du pouvoir qui guette les artistes.

Dans sa version, le personnage principal, Petra von Kant, est remplacée par son alter ego masculin, Peter, interprété intensément par l’un de ses acteurs fétiches, Denis Ménochet (" Dans la maison ", " Grâce à Dieu ").

Il incarne un réalisateur égocentrique qui tombe fou amoureux d’un acteur débutant, Amir, interprété par Khalil Gharbia, dont c’est le premier rôle de cinéma. Une passion dévorante qui va finir par se retourner contre Peter von Kant lorsqu’Amir va prendre son indépendance, sous les yeux de l’une des anciennes muses du réalisateur, interprétée par Isabelle Adjani. Ultime clin d’oeil à l’histoire du cinéma, l’actrice allemande Hanna Schygulla, qui jouait dans la version de Fassbinder, reprend du service.

Dans cette réalisation en forme de déclaration d’amour au cinéma, qu’il a autoproduit, le réalisateur de " 8 Femmes " ou " Swimming Pool " démontre une nouvelle fois sa capacité à créer des univers singuliers et très différents d’un film à l’autre, avec cette fois une envie de " refilmer les années 1970 ", l’une de ses périodes favorites.

" Ce qui m’intéressait, c’était d’incarner et de faire comprendre la souffrance de ce personnage de Peter von Kant ", qui désespère en découvrant que " l’amour pur " n’existe pas, a ajouté François Ozon en présentant son film à Berlin.

– Réconcilier les cinémas –

Projeté jeudi soir en séance de gala, " Peter von Kant " ouvre la course à l’Ours d’Or, raboté à six jours cette année contre une dizaine habituellement en raison de la crise sanitaire. Ce qui n’empêche pas les festivaliers de célébrer leurs retrouvailles avec les salles, après un ersatz de festival l’an dernier, en ligne uniquement.

Au total, au cours de cette 72e édition, 18 films seront visionnés par le jury, qui s’est retrouvé physiquement autour de son président, le grand nom américain du thriller M. Night Shyamalan (" Sixième Sens ", " Incassable ").

À ses côtés, le réalisateur japonais Ryūsuke Hamaguchi, tout juste auréolé de quatre nominations aux Oscars dont celui de meilleur réalisateur pour " Drive My Car ", ainsi que le cinéaste brésilien Karim Aïnouz, la réalisatrice Zimbabwéenne Tsitsi Dangarembga ou l’actrice danoise Connie Nielsen, connue notamment pour ses rôles dans " Gladiator " ou de reine des Amazones dans " Wonder Woman ".

Alors que la planète cinéma s’inquiète plus que jamais pour son avenir en raison de la pandémie, de l’essor des plateformes et de la crise du cinéma d’art et essai, les jurés ont émis unanimement l’espoir de réconcilier cinéma " commercial " et d’auteur.

" Le rôle de la Berlinale, c’est de déclarer qu’il n’y a pas de fossé " entre ces deux types de cinéma, a souligné Ryūsuke Hamaguchi en conférence de presse, quand Connie Nielsen a souligné que " les festivals de cinéma sont essentiels pour mélanger les choses ".

En l’absence de grosses productions américaines et de leurs cortèges de stars, le festival penchera toutefois cette année largement du côté d’un cinéma plus confidentiel.

On retrouvera en compétition des personnalités connues, parfois déjà primées, à l’instar du vétéran italien Paolo Taviani, 90 ans, mais aussi la Française Claire Denis pour la première fois en compétition, ou le premier long-métrage autour des attentats du 13-novembre à Paris, centré sur un récit de survivants du Bataclan.

© AFP

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