Le cinéma libanais est profondément marqué par les guerres et les conflits. De par le contexte politique, économique et social, les réalisateurs ont souvent recours au réalisme dans leurs films. Ce réalisme est celui d’un pays à bout de souffle dont on dit que son peuple est résilient. Mais qu’est-ce au juste cette résilience si ce n’est l’impossible renoncement à vivre dans un État de droit? Les films présentés dépeignent la complexité d’un pays où l’intime et le politique sont profondément liés et où la vie finit toujours par prévaloir. Ces séances sont organisées en collaboration avec l’École d’art d’Avignon (ESAA) dans le cadre de la programmation "Quartet en mars". Elles seront accompagnées par Sirine Fattouh, instigatrice du projet, artiste, vidéaste, enseignante d’art vidéo à l’ESAA.

Lundi 7 mars à 18h
En présence du cinéaste Michel Tabet et de Sirine Fattouh

Brisés: Beyrouth 6.07 de Carol Mansour
Liban 2021, 16 mn
"Après l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020, je ne voulais pas parler de moi à la première personne, mais du moi collectif. Le film est un cri de douleur qui fait place aux témoignages des blessés et de ceux qui ont survécu. Ce sont leurs voix que je transmets."

Those Still Standing (Ceux qui sont encore debout) de Carol Mansour
Liban 2021, 5 mn

Un an après l’explosion du port de Beyrouth – la troisième plus grande explosion non nucléaire au monde –, les gens sont encore sous le choc. La réalisatrice nous emmène dans un voyage à travers les souvenirs et les traumatismes persistants de ses amis.

Recovery de Jean-Claude Boulos
Liban 2021, 6 mn

Beyrouth Avignon

Jean-Claude promène son chien dans un quartier à jamais englué dans la reconstruction. Il s’interroge sur la vie, la mortalité et les scénarios de "et si…" tout en se remémorant des fragments de l’impact direct de la seconde qui lui a presque coûté sa vie. Un avenir peut-il encore se construire à partir d’une telle mémoire? Est-il temps de partir?

Habiter Beyrouth: Anthropologie d’un désastre de Michel Tabet 
Liban 2021, 45 mn

Beyrouth Avignon

4 août 2020: explosion à Beyrouth. L’association de ces mots n’a en soi rien d’étonnant. Beyrouth explose depuis toujours. C’est une ville intimement liée à la guerre. Et pourtant, cette explosion n’est pas comme les autres. Elle concentre toutes les crises du pays et résume toutes les guerres qu’il a traversées. À travers des témoignages, des images et des sons recueillis auprès d’habitants qui ont vécu cette épreuve, ce film raconte la violence comme expérience intime et intérieure.

Mardi 8 mars à 18h
En présence de Sirine Fattouh

Aïnata de Alaa Mansour
Liban 2018, 1h03

Beyrouth Avignon

"Peut-être que ce lieu n’existe pas. Peut-être qu’il existe dans un film imaginaire qui ne saurait se terminer." Au commencement, il y a la mort du souvenir. Il y a le désir d’une ruine à construire. Ruines de la mémoire, ruines du rêve, ma quête commence par une perte qui se manifeste au sein du lieu du fantasme. "Nous sommes à Aïnata, au sud du Liban, là où l’œil croise l’eau des sources, là où les fables de la terre d’Ougarit se mêlent à nos mythes et rites modernes", raconte la réalisatrice.

Aïnata, une terre notamment malmenée par les invasions successives de l’armée israélienne jusqu’à l’été 2006, a vécu à travers les siècles, et ses populations se souviennent, à l’image de ce gardien d’un palais en ruines. Par le biais d’éclats d’images et de voix, le film tente de cartographier les récits de ses habitants, se déployant dans de multiples territoires. Archives et paysages du présent s’entremêlent pour construire un film qui prend forme à partir d’un détail: le regard d’une jeune femme.

Que signifie vivre, rêver, se souvenir et mourir à Aïnata? (Merci à Tenk)

Mardi 8 mars à 21h
En présence de Sirine Fattouh

Miguel’s War d’Éliane Raheb et Fadi el-Samra (pour les passages animés)
Liban 2021, 2h08

Ce film n’est pas un manifeste en faveur de la cause LGBT ou d’autres causes, mais un questionnement sur la société, la religion et la famille – comment celles-ci peuvent s’allier pour "défigurer" une personne. C’est un documentaire hybride qui comporte aussi de la théâtralité et de l’animation sur un ton cru et vrai. Il n’est pas dramatique, mais baroque et farfelu. (Éliane Raheb)

Né d’un père catholique conservateur et d’une mère syrienne despotique, Michel s’est jeté à corps perdu dans une vie d’excès au cours de laquelle il a dû affronter les démons du Liban, combattre au sein d’une milice et céder aux horreurs de la guerre avant de s’exiler en Espagne où, devenu Miguel, il s’est laissé étourdir par la Movida postfranquiste en assumant enfin son homosexualité. Ce voyage dans son passé, il l’effectue à l’instigation de la documentariste Éliane Raheb qui le pousse dans ses ultimes retranchements, le confronte à des spectres surgis de son passé et l’accompagne dans un travail de deuil douloureux: celui des illusions perdues d’un petit garçon brimé qui a choisi de jouer avec le feu pour mieux renaître de ses cendres. Souvent choquant et constamment dérangeant, Miguel’s War explore la catharsis tragique d’un pays otage de ses voisins, à travers le destin d’un homme qu’il a bien failli emporter dans sa folie. (Jean-Philippe Guerand, L’Avant-scène)