Le Tate Modern de Londres invite le public à découvrir les "Infinity Rooms" de Yayoi Kusama, qui sont des espaces immersifs entièrement couverts de miroirs, agrémentés de milliers de lumières colorées, qui perdent les visiteurs dans un décor étoilé et infini, évoquant lunivers.

Lartiste japonaise, aujourdhui âgée de 93 ans, propose une expérience unique et rare. Lexposition est centrée en particulier sur les œuvres: " Chambres à miroirs " qui confirment leur impact mondial dans lart contemporain.

Yayoi Kusama, lartiste japonaise au parcours en dents de scie, fait parler delle aujourdhui dans le monde entier.

Dans le moteur de recherche Google, on associe cette artiste à un double sens involontaire mais correct: "L’artiste qui fait des ronds".

En effet, les milliers de pois qui font son image de marque, et que lon retrouve dans les produits comme Veuve Clicquot, Louis Vuitton ou MAC, ont fait delle une artiste dont les œuvres se vendent à des millions de dollars. (En 2019, une de ses œuvres s’est vendue 7.9 millions de dollars).

Juchée sur son fameux fauteuil/trône roulant couvert de pois, et couronnée de sa perruque rouge, Yayoi Kusama gère son empire.

Elle a inauguré, en 2017, un musée à sa gloire dans le quartier de Shinjuku, où elle vit et travaille sans relâche.

Lartiste, qui vivait à ses débuts dans un studio glacial à New York et qui se nourrissait de fonds de poubelles, contrôle désormais son propre empire à travers "merchandising", livres et films documentaires.

Mais retournons sur son parcours remarquable.

Subjuguée par les végétaux de la pépinière de ses parents, et ayant un penchant certain pour lart, Yayoi dessinait des légumes et sa mère ne voyait pas du tout cela dun œil favorable. Lenfant les cachait pour ne pas que ladulte les détruise.

Inutile de signaler que ces fameuses citrouilles pointillées ont fait la une des médias, surtout lorsqu’une de ses sculptures a été emportée par le typhon Lupit. Estimée à environ 3 millions de dollars, la courge kabocha, haute de 2,5 mètres était l’emblème de l’île-musée de Naoshima au Japon.

Yayoi Kusama, née en 1929, ne sest jamais remise de ses traumatismes denfance. Elle décrit sa mère comme "physiquement abusive" et chasse ses propres démons, ses hallucinations colorées et pointillées, à travers son art.

Elle se fait volontairement interner en 1977 dans lasile psychiatrique de Seiwa. Ses pensées suicidaires qui ne lont jamais quittée, les fleurs géantes qui lui parlent pour la rassurer, les proliférations de pois qui oblitèrent lespace dans lequel elle vit, ainsi que ses peurs (son obsession sexuelle cohabite paradoxalement avec sa peur du sexe) et tous les bruits dans sa tête, font de son art une thérapie en soi.

Ses parents ont choisi de lui faire suivre des études d’art traditionnel Nihonga, elle déteste cela. Elle se dirige plutôt vers New York où elle admire Georgia OKeeffe qui la soutient. Elle partage un appartement avec Yoko Ono, se lie damitié avec Donald Judd, maître du minimalisme.

Elle est remarquée à la Biennale de Venise en 1966, mais cela ne servira pas son propre intérêt.

Elle se fait copier par Andy Warhol qui imite sa prolifération de motifs. Le sculpteur Claes Oldenburg sinspire également de lune de ses œuvres. Ils en retirent gloire alors quelle ne reçoit aucun crédit. Ce qui la pousse à plusieurs tentatives de suicide.

Cest alors que, perdue et complètement fauchée, elle rentre au Japon, où elle est mal reçue par sa mère et par la presse.

Elle se met alors à l’écriture et à la poésie, et cest justement à cette époque qu’elle se fait interner pour dépression avancée.

Elle réalise que sa seule planche de salut est la thérapie qui se trouve dans son art.

Une commissaire dexposition américaine lui rend visite à Tokyo pour repartir à New York les bras emplis de son art.

Lartiste réapparaît aux États-Unis après plus de seize ans d’absence. La presse redécouvre la pionnière. Elle est réinvitée à la Biennale de Venise où elle est reçue en grande fanfare.

Puis, lorsquen 2002 une galerie organise au Japon sa première rétrospective, Yayoi Kusama déclare devant une foule en émoi: "Je suis enfin parvenue à ramener la couronne à la maison."

Découvrir lart de cette artiste exceptionnelle, cest vivre une immersion pointillée et lumineuse dans un monde fait de douleurs. Ces mêmes douleurs colorées qui suscitent le bonheur.