Le premier long métrage de George Barbari "Notre petite mort", véritable révélation, sort en salle aujourd’hui à travers le Liban. Quatre jeunes adolescents vont en quête des services d’une prostituée afin de devenir des "hommes".

George Peter Barbari signe un film bouleversant qui sort aujourd’hui sur grand écran au Liban. L’intrigue, inspirée de faits réels, recèle plusieurs histoires parallèles inattendues. On découvre toute une galerie de personnages  représentatifs de la société libanaise, qui nous dévoilent leurs secrets les plus inavouables par une savante superposition de voix off. Sobre, concis et tranchant, c’est un film auquel on pense longtemps après l’avoir vu. Il soulève de nombreuses interrogations sur l’importance de l’éducation sexuelle, quasi inexistante au Liban, et dévoile une société fracturée, malhonnête envers elle-même, érigée sur le paraître et les faux-semblants.

Synopsis

L’intrigue se déroule sur une après-midi: Adnan (Adnan Khabbaz), meilleur ami d’Etienne (Etienne Assal), emmène celui-ci, avec Jean-Paul et Dankoura (respectivement Jean Paul Frangieh et Elias Saad), rendre visite à une prostituée pour la première fois. Trois adolescents en difficulté, sur le point de perdre leur virginité et de prouver leur virilité. Plusieurs événements inattendus entraînent Etienne dans un voyage imprévu en lui-même.

Les acteurs, bluffants de naturel, sont tous amateurs, sauf Souraya Baghdadi qui incarne la proxénète.

"J’ai travaillé avec mes quatre acteurs pendant trois ans, à répéter constamment afin de surmonter les difficultés techniques que le film nécessitait avec ses plans longs et complexes. Tous ont travaillé à titre bénévole, alors que j’essayais d’obtenir le financement nécessaire pour filmer et qui tardait à venir. C’est grâce à la rencontre avec Reine Semaan et Christelle Younes (productrices exécutives du film) qu’une équipe composée des meilleurs techniciens de l’industrie s’est réunie, mue par leur amour pour le scénario et leur foi dans le film et les acteurs principaux", raconte George Peter Barbari.

C’est un film sublime, avec des acteurs surprenants.

Avec subtilité et finesse, Barbari dresse le portrait réaliste d’individus en quête de sens.
L’injonction à la virilité passe obligatoirement par une perte de la virginité pour ces jeunes hommes, alors que paradoxalement, la société sacralise la virginité chez les filles. On parle souvent des dégâts causés aux femmes par cette société patriarcale, mais rarement de ses effets sur la gent masculine.

– Pourquoi tu ne couches pas avec ta copine puisque tu en as une?

– Mais de quoi tu parles? En un an et demi de relation, je l’ai embrassée deux fois.

L’injonction à la masculinité est un fléau tout aussi dévastateur que la répression exercée sur les femmes. Est-ce donc ainsi qu’on devient un homme? En pénétrant une femme qu’on paie?

George Peter Barbari, le réalisateur

"Au Liban nous avons besoin d’un film qui parle de nos luttes respectives, de luttes qui pourraient trouver un écho partout, auprès de tous. Nous ne connaissons pas la guerre civile, la guerre dans laquelle nous sommes nés et que nous combattons encore aujourd’hui est celle de l’identité. Nous nous battons pour exister.

Je n’ose pas croire que je vais changer la société avec mes mots, ou que j’ai la capacité de modifier l’une des oppressions auxquelles nous sommes confrontés. Je souhaite seulement partager mes perceptions, et j’espère que ces réflexions pourront aider les autres à se sentir moins seuls", confie George Peter Barbari.

C’est un film intimiste qui alterne entre gros plans, cadrages serrés sur les visages à la Xavier Dolan dans "Juste la fin du monde" et des plans longs et complexes qui témoignent d’une ingéniosité cinématographique. Le scenario est juste et ciselé avec des dialogues d’une authenticité rare. Les dialogues semblent souvent artificiels dans les films libanais, avec des dialectes forcés, mais là, c’est tout le contraire, la langue retrouve une voix sincère et pure.

La scène érotique, point culminant du film, est marquée par la performance magistrale de Fairouz Aboulhassan qui est tout simplement époustouflante.

Barbari signe là un long métrage profondément humain et lyrique, étouffant de vérité. Avec ses talents de poète, il peint au couteau le mal-être de toute une génération.

"Notre petite mort",  primé à plusieurs festivals européens, est également diffusé sur les plateformes en ligne de Google Play et OSN.