Chez moi c’est au son de la derbakeh que l’on danse.

Ce sont les notes d’Azar Habib que l’on fredonne.

Les paroles de Fairuz qui nous bercent au coucher.

Dans notre cuisine, ça sent le thym et la pâte à pain.

A Noël, c’est un moghrabieh qui trône au centre de la table et une farandole de baklavas au miel qui nous régalent au dessert.

C’est sur un tapis d’Orient bariolé de couleurs que je m’allonge pour écrire, éclairée par une lampe Aladin, qui baigne la pièce de couleurs chaudes.

Je reconnais l’accent chantant et les "r" roulés parmi mille.

Je repère les cèdres plantés dans les villes.

Mon nom et l’un de mes prénoms sont différents.

Mes deux nationalités font ma fierté.

Mais pourquoi est-ce que nos voyages ont toujours nécessité d’appréhender la "situation"?

Pourquoi est-ce que quand j’étais enfant personne ne connaissait mon tout petit pays?

Et pourquoi est-ce que maintenant tout le monde le connaît?

Pourquoi est-ce que je lis de la peine, de la pitié sur les visages plutôt que de la curiosité?

 

Beaucoup d’entre vous sont partis, loin, très loin. Je vous comprends et je ne vous comprends pas. Vous fuyez quand je ne souhaite que voyager et voyager encore au Liban dont je garde un heureux souvenir. Frustration ou colère, laquelle des deux est la plus vorace?

Je déteste l’idée de vous savoir partis, pourtant je le sais depuis la première fois que je suis venue, il y a vingt-sept ans. À l’époque déjà vous prépariez votre migration. Tandis que moi je découvrais votre vie, notre pays, fascinée. L’émerveillement d’une petite fille de cinq ans, la naïveté.

On appelle aussi cela le choc des cultures. Moi j’appellerais bien ça le coup de foudre des cultures

Je dis votre fuite car vous ne l’avez pas vraiment choisi ce départ. Je le sais bien.

De naïveté, je suis passé à compréhension.

De compréhension, à empathie.

D’empathie, à peine.

De peine, à désespoir.

Mais le désespoir nous brûle de l’intérieur. Lentement, comme un poison, il détruit.

Mais je suis à l’extérieur… alors je n’y ai pas droit. Je le refuse et le rejette loin de moi!

Je ferme le journal, il ne me donne rien de bon ce matin, les nouvelles sont dramatiques… le pays du Cèdre va de mal en pis.

Ce cèdre…

Sur notre drapeau il y a le rouge, le sang… on dirait qu’on ne voit que lui ces temps-ci.

Mais sur notre drapeau il y a aussi cet arbre vert: l’espoir.

Alors, je me relève et je marche droit vers Le Cèdre.

Le Cèdre Solidarity est un fonds de dotation, créé par Omar Abodib en 2021. Je m’y suis engagée par amour de ma culture libanaise et pour ne jamais cesser d’espérer et de soutenir le Liban. A l’heure où ce texte est publié, nous sommes au Liban pour une semaine d’actions humanitaires.

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