Dix-huit points étaient à l’ordre du jour du Conseil des ministres qui s’est tenu mardi à Baabda, dont le dossier de l’électricité et la tenue des élections législatives le 15 mai prochain. Une réunion qui s’est tenue dans une ambiance électrique.

Le Conseil des ministres a commencé mardi à examiner un plan de réformes pour le secteur de l’électricité, dont la gestion désastreuse depuis des années est responsable du fait que les Libanais sont depuis des mois privés de courant et que la dette publique, du fait du déficit d’EDL, a atteint des sommes astronomiques.

La séance qui s’est tenue au Palais présidentiel de Baabda dans l’après-midi, sous la houlette du chef de l’état Michel Aoun, s’est déroulée dans une ambiance tendue à partir du moment où les membres du gouvernement se sont penchés sur le dossier de l’électricité. Avant, ce sont les préparatifs des législatives qui se sont invités à la réunion.

Des informations obtenues sur les débats, il ressort que les divergences de vues relatives à la réforme envisagée restent les mêmes et s’articulent notamment autour des tarifs et du point de savoir qui du ministre ou de l’autorité de régulation aura le contrôle du secteur. Le camp présidentiel souhaite que cette autorité soit chapeautée par le ministre alors que le camp du Premier ministre et le PSP estiment qu’elle devrait être totalement autonome, conformément aux exigences de la communauté internationale qui conditionne une aide au développement au Liban par une réforme structurelle sérieuse de nombreux secteurs, dont celui de l’Electricité en priorité.

Le Premier ministre Najib Mikati estime que la mise en place de cette autorité est une priorité absolue et veut que ses décisions ne soient pas reliées à la personne du ministre de l’Energie. Il sous-entend ainsi que le ministre de l’Energie, Walid Fayad et son camp politique (le Courant patriotique libre) sont hostiles à la mise en place de cette autorité afin de garder le contrôle de ce secteur.

Les deux hommes devaient avoir une discussion sur ce point en marge du Conseil des ministres. Une discussion qui a été qualifiée de houleuse par des membres du gouvernement, en dépit des tentatives de M. Fayad d’en minimiser l’impact. Il devait indiquer à ce sujet que ses échanges avec M. Mikati ont été " houleux car constructifs ". Le chef du gouvernement et son ministre de l’Energie ne sont pas seulement en désaccord sur l’autorité de régulation, mais également sur les compteurs intelligents dont Mikati refuse l’idée pour le moment.

Le déroulement de la première séance consacrée au dossier de l’électricité n’augure rien de bon, compte-tenu des avis partagés formulés. Walid Fayad a exposé les éléments les plus importants de son plan en vue d’une amélioration de la production d’énergie, soulignant les obstacles et les points à compléter lors d’une prochaine séance. Il n’a pas été question de l’avance demandée par EDL au Trésor.

Le gouvernement a notamment demandé au ministre de l’Énergie d’élaborer un plan pour mettre en œuvre une loi relative à la réglementation du secteur de l’électricité et un autre pour l’installation de compteurs intelligents pour améliorer la collecte. Il lui a aussi demandé d’étudier la possibilité de reconsidérer le tarif de l’électricité parallèlement à l’augmentation des heures d’alimentation. Il s’agit là aussi d’un sujet qui divise.

A l’issue du Conseil des ministres, le ministre de l’Information par intérim, Abbas Halabi, a assuré qu’il n’est pas possible d’augmenter les tarifs de l’électricité avec les coupures de courant permanentes, et que son collègue de l’Energie est donc tenu de reconsidérer les tarifs seulement après avoir augmenté les heures d’alimentation en courant. Sa réponse à une question de la presse sur la confiance qu’inspire le plan de redressement du secteur de l’électricité, en disait long sur son état d’esprit et celui d’une partie de ses collègues : " Nous ne faisons pas confiance tant que nous n’avons pas vu la lumière ".

Et Walid Fayad de rétorquer immédiatement, " Afin de voir la lumière, la communauté internationale et le principal bailleur de fonds, c’est-à-dire la Banque mondiale, nous demandent d’approuver le plan d’électricité. Sans ce plan, nous ne verrons pas la lumière ".

Il a également répondu en ces termes à une question sur la position du tandem chiite qui refuse toute augmentation des tarifs de l’électricité avant une amélioration substantielle de l’approvisionnement en électricité : " Je suis de leur avis et c’est le nôtre. Soyez optimistes. Je suis optimiste quant à l’approbation du plan ".

Financement électoral

Dix-huit points étaient à l’ordre du jour de la réunion, dont les préparatifs des élections législatives, le 15 mai prochain. Les nominations n’ont pas été évoquées.

Le président Michel Aoun a insisté à l’ouverture de la séance sur la nécessité d’aménager des méga-centres pour que les électeurs puissent voter sans avoir à se rendre dans leurs villages éloignés compte tenu des conditions économiques difficiles qui peuvent affecter les taux de participation. Il a également appelé à une dynamisation du travail des ministères, notamment ceux qui fournissent des services et qui sont en lien direct avec les citoyens.

Le Premier ministre Najib Mikati devait à son tour relevé les défis auxquels le pays est confronté, soulignant que le rôle du gouvernement est " d’atteindre les objectifs de sauvetage pour lesquels il a été formé ", et que " cette tâche fondamentale reste plus importante que les débats inutiles ". " Les Libanais attendent avec impatience que le gouvernement réalise leurs vœux concernant les réformes, et rejettent tout désaccord qui pourrait survenir ", a-t-il dit. Et de poursuivre : " Le budget pour l’année 2022, qui a été envoyé au Parlement, a été étudié pendant huit séances dans les moindres détails et c’est le mieux que l’on puisse faire pour l’instant. Nous sommes condamnés à des chiffres et des faits qui ne peuvent pas être ignorés ". Il répondait ainsi à la salve de critiques politiques contre le projet de Budget auquel il est reproché d’accabler les Libanais de charges financières sans proposer la moindre réforme pour une rationalisation des dépenses.

M. Mikati a demandé qu’" un terme soit mis aux surenchères, d’autant plus que le pays est à 90 jours des élections, et que tout le monde doit travailler ensemble pour assurer le succès de cette échéance ". A ce sujet, il a demandé au ministre de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, de réaliser une étude concernant la proposition du président Aoun d’établir des méga-centres pour les élections. Cette demande sera discutée lors de la prochaine réunion du Conseil des ministres.

L’obstacle financier qui a fait craindre une annulation du scrutin a été levé puisqu’il a été décidé de transférer un crédit de la réserve budgétaire au ministère de l’Intérieur, d’une valeur de 40 milliards de livres, pour couvrir les dépenses officielles liées aux législatives. Au cours des deux prochains jours, un projet de loi prévoyant l’ouverture d’un crédit budgétaire supplémentaire de 320 milliards de livres sera envoyé au parlement dans le même but.