Les personnes qui doivent incessamment faire valoir leur droit à la retraite sont prises de panique. Et, il y a de quoi. La valeur des indemnités de fin de service versées par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) en livres libanaises s’est complètement effondrée. La monnaie nationale a perdu plus de 90% de son pouvoir d’achat.

La moyenne de ces indemnités par salarié est de 40.000 dollars après 35 années de travail. Théoriquement, elles sont supposées lui suffire pour subvenir à ses besoins après l’âge de 64 ans. Aujourd’hui, ce montant ne représente plus qu’environ 3.000 dollars, une fois converti en billet vert au taux de change du marché libre, soit une dépréciation de 1.233% de leur valeur, selon des sources concordantes. Un montant on ne peut plus dérisoire. Une misère. Un scénario effrayant pour peu que l’on y pense.

Le directeur général de la CNSS, Mohammad Karaki, recommande depuis quelque temps aux adhérents à la caisse de s’abstenir de retirer leurs indemnités de fin de service sauf en cas de besoin. Il espère que des solutions seront incessamment identifiées pour sauver leurs fonds de la dépréciation de la livre. D’ailleurs, le nombre de personnes qui ont retiré leurs indemnités a enregistré une baisse sensible, passant de 26.000 par an à près de 18.000 depuis 2020.

Une pension retraite

Une commission ad hoc de six actuaires a été formée à l’initiative de M. Karaki pour mener une étude de faisabilité de la mutation du système des indemnités de fin de service, en vigueur au sein de la CNSS, vers un système de pension-retraite. En effet, le patron de la caisse s’est référé à l’article 54 alinéa 5 de la loi sur la sécurité sociale qui prévoit "la possibilité de transformer l’indemnité de fin de service en une pension à vie pour ceux qui le souhaitent et à leur demande". Les conclusions de l’étude seront remises au conseil d’administration de la CNSS au cours de la première quinzaine de mars. La caisse avait eu recours à l’article 54 par le passé lorsqu’elle avait mis en place une assurance maladie à vie aux retraités. Celle-ci était entrée en vigueur en octobre 2017 et 30.000 individus en ont bénéficié.

Un financement possible

Dans le même temps, le conseil d’administration de la CNSS a présenté tour à tour au Premier ministre Najib Mikati, au gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, et au ministre des Finances Youssef Khalil, une proposition de solution ponctuelle. Celle-ci consiste à convertir le montant de l’indemnité due au salarié au taux d’un dollar à 1.500 livres, et ensuite à multiplier le résultat par le taux d’un dollar à 8.000 livres, défini dans la circulaire 151 de la BDL. A ce propos, M. Karaké confie que ses interlocuteurs officiels lui ont demandé de leur accorder un temps de réflexion. Pourtant le financement est possible, répond le patron de la CNSS. Ce dernier suggère que l’État alloue à cette fin près de 150 millions de dollars du montant total qui lui est revenu des droits spéciaux de tirage du Liban auprès du FMI. D’autant que les droits de tirage spéciaux sont dédiés au renforcement des filets de protection sociaux. Le montant total encaissé par le Liban est d’un milliard cent trente-sept millions de dollars, rappelle-ton.

L’État et la CNSS

A la demande officielle du ministre du Travail fin 2012, le Bureau international du travail (BIT) avait procédé à une évaluation financière d’un programme de sécurité sociale qui devait remplacer à terme l’actuel système des indemnités de fin de service. Ainsi les études actuarielles liées à la nouvelle loi sur les retraites proposée avec les normes de sécurité sociale de l’Organisation internationale du travail (OIT), les principes fondamentaux de sécurité sociale et les meilleures pratiques internationales ont été soigneusement évalués et discutés en 2015 avec les instances libanaises concernées, à savoir le ministère du Travail, la CNSS et la Confédération générale des travailleurs au Liban (CGTL). En raison de la précarité des gouvernements en place à l’époque, la tentative de réforme a été suspendue. Rebelote: dans les années 2017 et 2018, l’OIT a reçu une nouvelle demande formelle du ministre du Travail, du directeur général de la CNSS et du président de la CGTL et de ses partenaires sociaux pour soutenir la réforme du système de retraite. On connaît la suite: un arrêt sur image depuis l’enclenchement de la crise financière au Liban.