Dans l’enclave sunnite de la Békaa, la “modération” de Rafic Hariri a blindé la communauté contre les tentatives de la diaboliser.  

Si, à Baalbeck-Hermel, la communauté sunnite reste désabusée par les compromis du leadership incarné par le Courant du Futur, notamment à l’égard du Hezbollah, la commémoration de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri a cela de particulier cette année qu’elle se déroule en dehors de tout cadre organisationnel partisan.

Aucune banderole n’a été installée, aucun portrait n’a été hissé pour marquer l’occasion, comme cela avait été de coutume chaque année depuis 2005 en souvenir du 14 février 2005, selon les témoignages concordants de deux habitants de Baalbeck.

La suspension par le chef du Courant du Futur, l’ancien Premier ministre Saad Hariri, de sa participation à la vie politique semble avoir brouillé les repères des indépendants et des partisans tout à la fois. Parce qu’avec le retrait du courant du Futur de l’arène, " il n’y a plus de politique ", témoigne un ancien membre du bureau politique du courant haririen. Et la précarité de vie est telle que les électeurs sunnites iront voter " soit pour l’argent du Hezbollah, soit pour celui des Forces libanaises ", selon lui.

Le legs de Rafic Hariri est resté présent dans une certaine mesure parmi les sunnites de la région (comme cela vaut au niveau du Liban), pour qui la leçon du 14 février 2005 a été d’abord un dépassement de l’appartenance communautaire sunnite vers un engagement national. Preuve en est, certains ont choisi lundi en dehors de toute planification partisane de faire le trajet de Baalbeck-Hermel à Beyrouth pour se recueillir spontanément sur la sépulture de Rafic Hariri.

Mais ce legs n’est plus susceptible d’être monnayé en politique. Le Hezbollah a en effet réussi par de multiples méthodes à phagocyter les bourgades sunnites, comme Ersal (nord-est de Baalbeck, frontalière de la Syrie). En même temps, les partis alliés en principe au Courant du Futur, comme les Forces libanaises, ont péché par omission, comme ce dernier d’ailleurs, en s’abstenant de soutenir des dynamiques d’opposition transcommunautaires profondes face au Hezbollah.

" Point de rencontre avec le monde arabe " 

Résultat, 17 ans après. " La sécurité et la stabilité ont disparu avec l’assassinat de Rafic Hariri, qui avait constitué un point de rencontre avec les pays arabes ", témoigne Omar, ingénieur informatique, habitant Baalbeck. Ce constat s’applique à tout le pays, dit-il. " La perte de Rafic Hariri a été une perte pour tout le Liban, et non seulement pour Baalbeck. Depuis 2005, le pays est en régression ", ajoute-t-il.

Le vice-président du conseil municipal de Baalbeck, Mostafa Chal, réaffirme pour sa part le rôle " national " de Rafic Hariri, " un allié pour la sauvegarde de la paix civile ", même s’il n’a pas accordé l’importance nécessaire au plan de développement de Baalbeck. Le responsable municipal proche du Hezbollah ne manque pas de saluer " le grand rôle de Rafic Hariri pour protéger le Liban contre les agressions israéliennes en 1996 ".

Pour l’acteur civil et médiatique Ahmad Chalha, " l’importance de Rafic Hariri se mesure à l’échelle du Liban, sans que nous puissions parler d’une réelle influence pour la région de Baalbeck en particulier ". Il explique en effet que " le président Rafic Hariri n’a pas accordé à Baalbeck la même attention qu’à Beyrouth ou Tripoli par exemple ". Ce qui n’a pas empêché qu’il " contribue à répandre une atmosphère de modération partout ", dit-il. Autrement dit, en dépit de sa disparition “forcée”, Rafic Hariri a blindé la rue sunnite contre tout projet adverse visant à la diaboliser à travers des accusations de fondamentalisme, une spécialité pratiquée par le régime syrien et le Hezbollah au moins depuis la révolution syrienne.

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