La cabale haineuse contre les banques et les tentatives répétées de briser le secteur bancaire à des fins politiques qui n’échappent à personne ne semblent pas avoir de limites. Mercredi, par décision d’une magistrate, une mise sous scellés des caisses et de l’ensemble des locaux de la Fransabank – le siège central et toutes les branches –  a été exécutée de manière intempestive. Une mesure qualifiée de totalement illégale par des avocats indépendants, ce qui a conduit le Premier ministre à dénoncer " une méthode théâtrale et dangereuse " portant une grave atteinte au secteur bancaire.

Des mesures d’exécution forcée ordonnées contre la Fransabank, incluant une mise sous scellés de coffres a priori injustifiée en droit, ont suscité la panique des déposants et des questions parmi des avocats indépendants sur la validité de telles mesures. Il n’empêche que celles-ci ont conduit à suspendre jusqu’à nouvel ordre les transactions de la Fransabank (sauf quelques formalités exceptionnelles).

Cette démarche a amené une ferme réaction du Premier ministre, Nagib Mikati, en marge de la réunion du cabinet. " Ce qui se passe sur le dossier bancaire est malsain et la méthode théâtrale est dangereuse et vouée à saper ce qu’il reste encore de confiance dans le système bancaire ", a-t-il dit. Et d’ajouter : " Je crains que les choses n’aillent dans un sens que nul ne souhaite ".

L’Association des banques du Liban (ABL) a en outre dénoncé dans un communiqué " des mesures illégales et pratiques abusives " à son égard.

Dans les faits, une ordonnance de saisie a été mise en œuvre le 16 mars contre la Fransabank après avoir été émise la veille par la juge d’exécution de Beyrouth, Marianna Anani. Les premières mesures d’exécution forcée ont été menées par des huissiers de justice au siège central de la Fransabank à Hamra et sa branche à Badaro, sachant que la saisie recouvre l’ensemble des biens et locaux de la banque.

À l’origine de ces mesures, une affaire récente de 2022, opposant le déposant Iyad Gherbaoui Ibrahim, ressortissant égyptien, à la Fransabank. Souhaitant retirer la somme de 30 mille dollars US pour couvrir les soins médicaux de son frère en Egypte, il a eu droit à un chèque de cette valeur déposé par la banque chez le notaire. Pour contrer cette tentative de le mettre devant le fait accompli, il a tenté d’encaisser le chèque en question auprès de la banque qui l’a émise, ce que celle-ci a refusé. Son dernier recours a donc été une action en justice, aboutissant à un jugement en sa faveur, donnant l’ordre à la banque de lui verser l’argent en espèces. Le refus de la banque, motivé par le fait que le paiement a déjà été effectué et accepté sous forme de chèque, a conduit la juge d’exécution de Beyrouth à ordonner la saisie de l’ensemble des biens de la Fransabank.

La juge considérant, comme elle l’a fait dans de précédentes décisions, que le paiement en chèque n’était pas recevable, a considéré que la Fransabank a enfreint le jugement en s’abstenant de payer son client en espèces.

" À la demande des avocats de l’alliance Unis, représentant le déposant Iyad Gherbaoui Ibrahim, auteur de la plainte numéro 113/2022, il a été décidé de saisir les biens de la Fransabank, y compris ses coffres, ses biens disponibles, et l’argent de ses caisses, à son siège principal de Hamra et ses branches (situées dans les secteurs beyrouthins) de Tabaris, Saifi, Achrafieh, Jnah, Mar Elias, Aïn Mreissé, Tariq Jdidé, Sodeco, Rass Nabeh, Achrafieh-Sassine, Msaytbé, Verdun, Bab Idriss, Adliyé (…) ", selon un communiqué de deux associations de déposants, ayant délégué les avocats représentant M. Ibrahim. Le texte précise que la juge a demandé aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires pour exécuter la saisie contre les branches de la banque en dehors de Beyrouth. " La saisie recouvre tous les biens de la banque, y compris les coffres et les liquidités, ses actions, biens mobiliers et immobiliers, branches et sociétés affiliées ", et " la mise sous scellés de l’ensemble de ses locaux ", selon le communiqué.

Possible annulation des mesures

Il est possible, en droit, de saisir tous les biens du débiteur quelle que soit la valeur de la dette, et donc de saisir l’ensemble des biens d’une banque pour assurer le versement d’une somme d’une valeur beaucoup moindre. L’ordonnance de saisie de tous les biens de la Fransabank serait donc légale. C’est en revanche la mise sous scellés des caisses telle que rapportée dans les médias, alimentant la crainte des déposants, qui serait critiquable. Elle constituerait une faille juridique, relevée par des avocats indépendants pour Ici Beyrouth. La mise sous scellés n’est en effet ordonnée que si le débiteur est insolvable ou en faillite, ce que seul le juge de fond, et non d’exécution, peut trancher. Autrement dit, la juge a considéré indirectement et donc illégalement que la Fransabank a fait faillite sans qu’il n’y ait de jugement dans ce sens, ni qu’une telle appréciation ne relève de sa compétence. Son ordonnance aurait donc de fortes chances d’être annulée en appel, comme l’avait été une autre ordonnance de saisie contre la banque Crédit Libanais il y a quelques semaines, moins médiatisée parce que non accompagnée de mise sous scellés, selon nos informations. D’ailleurs, les scellés ont été levés sur certains coffres de la Fransabank, révélant une certaine inconsistance des mesures d’exécution.

Entretemps, la Fransabank a notifié les fonctionnaires publics, notamment des Forces de sécurité intérieure, dont le salaire est domicilié chez elle, que le salaire ne leur sera pas alloué tant que l’ordonnance de saisie n’aura pas été annulée.

Communiqué de l’ABL

Réagissant à ces développements, l’Association des banques du Liban a estimé que " les banques ne peuvent plus rester à contre gré en confrontation avec les déposants pour des raisons qui ne relèvent ni de sa volonté ni de sa responsabilité. Elles ne peuvent pas non plus subir les conséquences de politiques monétaires passées et mesures injustes émanant des autorités compétentes qui ont fait des banques les boucs-émissaires des déposants, ni accepter d’être victime de positions populistes aux motifs politiques, ni tolérer des mesures illégales prises contre elles ", selon le communiqué.

" Le maintien des mesures arbitraires et illégales contre les banques aura raison du secteur bancaire et nuira gravement aux intérêts des déposants, surtout à la lumière de la détérioration des rapports avec les banques correspondantes étrangères. Cela portera le coup fatal à ce qui reste de l’économie libanaise ", a mis en garde l’ABL.

Et de conclure en faisant part de sa " volonté de réunir (son) assemblée générale au plus vite et de maintenir (ses) réunions ouvertes pour suivre les développements (…) et prendre le cas échéant toute mesure que l’ABL jugera nécessaire pour l’intérêt des citoyens et l’intérêt national ".