L’émissaire français Pierre Duquesne, chargé de la coordination du soutien international au Liban, est attendu à Beyrouth la semaine prochaine.

De nombreuses spéculations ont entouré les réactions positives koweitienne et saoudienne au communiqué dans lequel le Premier ministre libanais Nagib Mikati réaffirmait samedi l’engagement du Liban à barrer la voie à toute activité et tentative politique, financière et sécuritaire préjudiciable aux pays du Golfe. Pour certains, l’Arabie saoudite et le Koweit ont tourné la page de leur conflit avec Beyrouth. Pour d’autres, ce revirement politico-diplomatique présage de l’existence d’un marché quelconque.

" Cette démarche est le fruit de plusieurs mois de labeur, non seulement de la part du Liban mais aussi de la part de la France, pour un rétablissement des relations entre Beyrouth et les monarchies du Golfe ", souligne Waël Bou Faour, député du Parti socialiste progressiste (PSP) à Ici Beyrouth. Ce dernier se trouve d’ailleurs actuellement en Arabie saoudite dans le cadre d’une tournée qu’il effectue avec l’ancien ministre des Forces libanaises, Melhem Riachi, auprès de certaines capitales arabes et occidentales.

L’un des premiers signes concrets de cette démarche a été l’entretien à Paris de personnalités saoudiennes avec des responsables de la cellule de crise créée par l’Élysée pour le Liban, la semaine dernière.

D’ailleurs, l’émissaire français Pierre Duquesne, chargé de la coordination du soutien international au Liban, est attendu à Beyrouth la semaine prochaine, dans le cadre des efforts menés par son pays pour sortir le pays du Cèdre de sa crise politique et économique, exacerbée par les tensions diplomatiques avec les monarchies du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite.

Quoi qu’il en soit, cet apaisement inopiné au niveau des relations avec Riyad soulève des interrogations, surtout qu’aucun changement n’a eu lieu par rapport à la position du Hezbollah vis-à-vis des pays du Golfe, ou à la mainmise de cette formation sur l’État libanais, les deux points à cause desquels les pays du CCG avaient tourné le dos au Liban. Le parti pro-iranien n’a pas arrêté de tirer à boulets rouges sur les pays arabes, faisant fi des nombreux appels lancés par la communauté internationale, ainsi que par le chef et des membres du gouvernement libanais, notamment le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui, pour qu’un terme soit mis à ces agissements.

Sur quelle base s’opère donc ce que certains ont appelé "le retour" de l’Arabie saoudite au Liban, et d’autres un premier pas jugé " positif " en direction du pays, alors que le président de la République Michel Aoun continue de défendre les armes du Hezbollah et son rôle de " résistant "?  Pour le moment, nul ne le sait vraiment, ce qui donne lieu à de nombreuses analyses.

D’aucuns pensent que l’approche de la fin du mandat de Michel Aoun est un facteur qui favorise un apaisement des tensions libano-arabes. " La fin d’un mandat est porteuse d’espoir ", commente le général à la retraite, Maroun Hitti, pour Ici Beyrouth. Ce dernier compare ce pas positif à " une carotte tendue au Liban, avant la fin du mandat présidentiel, dans le but d’empêcher le Hezbollah et l’Iran de combler le vide institutionnel après le départ de Michel Aoun ". Même son de cloche pour un politologue désireux de garder l’anonymat, qui explique que " les pays du Golfe ne veulent pas permettre à l’Iran, par le biais du Hezbollah, de s’emparer de la totalité du pays ".

D’un autre côté, une approche plus circonspecte est adoptée, d’autant qu’on estime que le gouvernement libanais n’a pas les moyens de sa politique, en allusion à l’engagement pris par Nagib Mikati dans son communiqué de samedi. Selon le journaliste et analyste politique saoudien, Hussein Shobokshi, les relations entre le Liban et les pays du Golfe ne seront pas pour l’heure ce qu’elles étaient dans le passé. A Ici Beyrouth, il indique que " les efforts du Premier ministre Mikati demeurent insuffisants, inefficaces et revêtent un caractère cosmétique, tant que le Hezbollah reste armé et constitue une menace pour la sécurité du Liban et de ses alliés ". Et d’ajouter: " Une fois que le Hezbollah sera désarmé, il y aura alors une vraie opportunité de changement pour le Liban et un assainissement des relations avec les pays arabes ". Et l’analyste de conclure: " Je ne m’attends pas à une reprise des relations diplomatiques entre le Liban et les pays du Golfe ", en allusion à un retour des ambassadeurs d’Arabie et du Koweït à Beyrouth.

En d’autres termes, un rapprochement entre le Liban et les monarchies du Golfe reste pour l’heure circonstanciel et conditionné. Une source politique de l’opposition attribue ainsi les efforts menés dans ce contexte par le Premier ministre à " une manière de contenir les propos officiels au sujet du Hezbollah, afin de ne pas creuser davantage le fossé entre le Liban et les pays du Golfe ". Une autre source, cette fois proche du Sérail, insiste sur le fait que " la politique étrangère du Liban est exprimée par le gouvernement seulement et que le Liban ne servira jamais de plateforme pour promouvoir des intérêts anti-arabes ".

Dans le même temps, Nagib Mikati, maître de la politique d’arrondissement des angles, et très souvent soutenu dans ces positions par le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui, continue d’affirmer sa détermination à voir le Liban " retrouver son rôle et sa place d’antan sur les scènes arabe et internationale ". Un vœu qui reste pieux pour le moment.

Quoiqu’il en soit, les prochains jours permettront d’y voir plus clair, notamment à la faveur de la conférence ministérielle des pays du CCG qui se tiendra le 27 mars et à l’ordre du jour de laquelle figure le dossier libanais.