La procureure générale près la Cour d’appel du Mont Liban, Ghada Aoun, a engagé vendredi des poursuites judiciaires pour diffamation contre notre confrère Marcel Ghanem, la chaîne MTV et l’avocat Marc Habka.

L’introduction enfiévrée et virulente de notre confrère Marcel Ghanem prononcée jeudi soir, au début de son émission hebdomadaire Sar el-Waet (transmise sur la MTV) et qui a visé de front la procureure générale près la Cour d’appel du Mont Liban, Ghada Aoun, était à la hauteur des attentes de l’opinion publique, à en croire les réactions des internautes sur les réseaux sociaux.

Cette introduction foudroyante a ouvertement dénoncé les méfaits et les poursuites sans fondements de Mme Aoun, de la cabale contre les banques et les frères Salamé, en passant par l’acharnement contre Michel Mecattaf, jusqu’à l’affaire des affrontements de Tayouné du 14 octobre 2021, autant d’affaires qui font l’objet d’un harcèlement, contrairement au dossier sans suite du réseau financier illégal du Hezbollah, al-Qard el-Hassan.

En réponse à ces propos, la magistrate a engagé vendredi des poursuites judiciaires personnelles pour diffamation contre Marcel Ghanem, la chaîne MTV et l’avocat Marc Habka, qui était présent sur le plateau de M. Ghanem, pour condamner les procédures " illégales " enclenchées par Mme Aoun, désormais notoire pour son déchaînement sur les réseaux sociaux — devenus son terrain de prédilection pour lancer des attaques à l’encontre des personnes qu’elle aurait dans le collimateur — malgré la perte de crédibilité et de sérieux que ce comportement engendre vis-à-vis du corps judiciaire libanais.

Cependant, une source informée proche du dossier a expliqué à Ici Beyrouth que " pour l’instant ni le journaliste Marcel Ghanem, ni la direction de la chaîne MTV, ni l’avocat Marc Habka n’ont été officiellement notifiés de plaintes déposées à leur encontre ". Et de poursuivre : " La procureure engagera ses poursuites à titre personnel, puisqu’elle ne pourra pas bénéficier du cumul de sa compétence juridique et de sa compétence personnelle, d’un point de vue légal ".

Par ailleurs, de nombreuses personnalités politiques et médiatiques ont aussitôt manifesté leur soutien et leur indignation sur Twitter face à la démarche de Mme Aoun et à l’atteinte flagrante à la liberté d’expression. Parmi les personnalités qui se sont prononcées sur la question, citons notamment l’ancien député Farès Souhaid, le député du Parti socialiste progressiste (PSP) Waël Abou Faour, l’ancienne ministre proche des Forces libanaises, May Chidiac, le député démissionnaire des Kataëb, Elias Hankach.

Tony Frangié se déchaine contre Ghada Aoun

Toutefois, c’est le tweet du député du courant des Marada Tony Frangié, qui a été particulièrement significatif, puisque le fils de Sleiman Frangié, en dépit de son appartenance au camp du 8 Mars,  auquel Mme Aoun semble adhérer, a attaqué la procureure générale, s’interrogeant sur les actions de cette dernière, qu’il a jugées " stériles et sans fondements ", qui " ciblent une catégorie particulière de gens ", et qui a entre autres " provoqué le décès de Michel Mecattaf et transformé l’État de droit en État policier ". Et de conclure, en interpellant la juge en question : " Ce n’est pas votre faute, mais celle de la personne qui vous appuie ", en référence aux hautes sphères du camp présidentiel.

À titre de rappel, au lendemain de l’arrestation de Raja Salamé, frère du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, dans la soirée du 17 mars, Marcel Ghanem avait introduit son émission en soulignant que le Liban avait perdu toute souveraineté et que la mainmise du Hezbollah sur les institutions de l’Etat se manifestait notamment par " les poursuites engagées par le juge Aoun contre certaines personnalités ".

Il faudra donc attendre pour connaître le sort des poursuites engagées par Ghada Aoun, sachant qu’elles renvoient à une ambiance très similaire à celle qui prévalait lors de l’occupation syrienne, quand la magistrature était un instrument employé au service du régime Assad.