Le nouveau coup porté au secteur bancaire au Liban ne doit rien au hasard, notamment à l’approche des élections législatives et les fortes chances qu’elles aient lieu à la date prévue.

Cette fois, le coup a été asséné par le pouvoir judiciaire, à travers la décision rendue par le tribunal d’exécution des peines de Beyrouth, qui avait ordonné il y a quelques jours la saisie et l’exécution forcée des biens-fonds de la Fransabank, créant un précédent aux répercussions alarmantes.

Cette procédure n’affecte pas uniquement la banque condamnée, et ses effets ne se limitent pas à restituer des fonds à un déposant, mais elle menace la capacité des Libanais à accéder à leurs comptes bancaires, même dans la limite des plafonds autorisés afin qu’ils puissent survivre et subvenir à leurs besoins non sans beaucoup de difficultés. Partant, c’est un nouveau parcours du combattant qui s’annonce pour eux à l’approche des élections, et une manière de limiter leur préoccupation première à penser aux moyens d’accéder à leurs salaires auprès des banques, guère plus.

Ce qui se passe est effarant, délibéré et planifié. Il s’inscrit dans la lignée de ce qui s’est passé après le soulèvement du 17 octobre 2019. A cette époque, l’establishment mené par le " Hezbollah " a maté le mouvement populaire en délogeant les protestataires des places publiques afin qu’ils rejoignent les files d’attente interminables devant les banques pour retirer un modique billet de cent ou deux cents dollars de leurs comptes. S’en est suivie une série de crises fomentées qui ont fait du quotidien des Libanais un enfer avec les files devant les stations-services, la pénurie de médicaments, la mise à mort des secteurs de l’éducation et de la santé, poussant ainsi à l’émigration les nantis et les moins nantis.

Les Libanais se seraient bien passés de cette crise qui vient de surgir et de ses retombées économiques et financières particulièrement préjudiciables qui leur fait perdre de vue qu’ils doivent renverser ce régime qui les a ruinés, menacés dans leur sécurité et carrément appauvris.

La manœuvre du Hezbollah pour arriver à ses fins n’est pas un mince exploit. Ce dernier a tout mis en œuvre pour phagocyter toute tentative visant à réunir efficacement les efforts de l’opposition, afin qu’elle puisse apporter le changement souhaité lors des prochaines élections. Par conséquent, la tenue des élections à la date prévue devient pire que leur report.

Il va sans dire que l’establishment qui dirige le pays n’a pas contré cette manœuvre mais y a plutôt contribué à plus d’un niveau. C’est à croire que tout ce qui s’est passé jusqu’à présent et continue de se passer n’a eu pour but que de dompter la population et la ramener vers un repli communautaire ou sectaire en attisant sa peur, de sorte qu’elle ne se sente en sécurité que sous l’aile de son leader qui dicterait sa conduite…notamment dans les urnes.

Cette population, menacée de perdre l’accès à ses salaires, s’attachera encore davantage à son leader et se contentera de boire ses paroles et de l’applaudir.

Cependant, les Libanais qui ont tenté de s’émanciper hors de la communauté, un certain 14 mars 2005, ont fait face à une vague sanglante d’assassinats, d’attentats, ainsi qu’à la guerre de juillet 2006 et à l’invasion de Beyrouth en 2008. Les partis du 14 Mars ont été muselés et leurs actions neutralisées afin de leur faire comprendre qu’il leur est impossible de transcender le rôle prévu par l’axe iranien pour le Liban.

Aujourd’hui, certains de ces partis politiques payent le prix de leur soumission en échange de leur maintien au pouvoir. On les voit gesticuler en laissant croire qu’ils ont retenu la leçon et se montrent indignés par le slogan "tous veut dire tous", qui les loge  tous à la même enseigne.

Mais le plus important reste l’incapacité de ce système, dont les rivalités et les alliances sont discutables, à tenir la moindre de ses promesses, du fait que le " Hezbollah ", en raison de la mise en œuvre de l’agenda iranien, a réussi à prendre le dessus sur tous les partis politiques sans exception, en particulier ceux qui étaient fondamentaux pour le mouvement du 14 Mars, en proie aux inimitiés entre ses composantes.

Le Hezbollah a mis hors circuit tout ce qui aurait pu le gêner. Aujourd’hui, alors qu’il est conforté dans sa position, et après qu’il a décidé que la reconstruction et la prospérité fragilisent son plan, et après que l’arène a été vidée de personnalités d’envergure pour l’affronter avec raison, sagesse et action, le voici debout sur les ruines du pays, empêchant la reconstruction du port de Beyrouth et toute enquête sérieuse pour faire la lumière sur cette affaire.

Il ne fait aucun doute que le Hezbollah prépare le terrain et élargit le champ de son emprise en attendant les changements régionaux qui conduiront à des règlements dont le Liban fera partie comme monnaie d’échange.

Il est tout à fait conscient que, quelle que soit la durée de l’attente, les règlements auront lieu, tôt ou tard, soit par le biais d’une conférence internationale, ou nationale, ou une nouvelle constituante ou autre. Et le jour venu, il se devra d’être prêt avec une majorité parlementaire, qu’il obtiendra à coup des crises de plus en plus écrasantes qui lobotomiseront l’esprit de la population qui sera cantonnée à penser à sa simple survie, compte tenu de la menace de paralysie qui plane sur le secteur bancaire, à ce stade en particulier.

Mais le défi qui se présente aux Libanais à travers les urnes reste leur seul espoir pour signifier à travers leurs votes que si museler des partis est possible, il est impossible de le faire à l’échelle de tout un peuple. A défaut, ce peuple paiera à nouveau le prix de sa peur ou de ne pas avoir accompli son devoir national qui consiste à choisir des représentants exogènes au système actuel.