Le naufrage était bel et bien inévitable pour Liz Truss. Se voulant la Dame de fer du XXIᵉ siècle, son mandat n’aura duré que 44 jours, une humiliation pour le Parti conservateur que son "maître à penser" Margaret Thatcher a dirigé pendant onze ans. Si le Royaume-Uni a connu ces dernières années une succession de dirigeants plus anodins les uns que les autres, Liz Truss n’a pas manqué à l’appel, surtout qu’elle a provoqué une des crises financières les plus importantes depuis 2008. Mme Thatcher, qui avait jadis révolutionné l’économie britannique, n’est plus aujourd’hui qu’un mythe lointain, d’autant que son parti est miné par des dissensions politiques profondes.

Acculée et désavouée, Liz Truss a présenté jeudi sa démission du poste de chef de son parti: elle dirigera le gouvernement jusqu’à l’élection d’un successeur le 28 octobre prochain. Si la course à la succession de Mme Truss s’avère grandement serrée, certaines sources parlent d’un retour de Boris Johnson, écarté du pouvoir depuis trois mois par son propre camp.

 

Pour la seconde fois en moins de deux mois, la porte du 10, Downing Street reste grande ouverte à un nouvel occupant.

 

 

Vendredi 28 octobre, le pays devrait découvrir le nom de son troisième Premier ministre conservateur en trois mois, le quatrième en trois ans et le cinquième en six ans. À l’issue d’une primaire interne expéditive, les membres du Parti conservateur devraient normalement départager les deux candidats en lice : l’ancien chef de gouvernement Boris Johnson et l’ex-chancelier de l’Échiquier Rishi Sunak. Si les milieux politiques britanniques prédisaient une certaine difficulté à Boris Johnson pour récolter les 100 soutiens d’élus requis à la confirmation de sa candidature avant lundi, certaines sources proches de l’ancien chef du gouvernement affirment qu’il aurait déjà le nombre de députés nécessaires. Le plus dur étant déjà franchi, Boris Johnson bénéficie déjà d’une plus grande popularité parmi les membres du parti par rapport à M. Sunak. Il est alors quasiment certain que nous serons témoins du retour de M. Johnson au pouvoir, vainqueur aux législatives de 2019 et tête pensante du Brexit.

 

Rishi Sunak était le candidat préféré des députés conservateurs, avant d’être finalement écarté au profit de Liz Truss par les adhérents.

 

 

Le gouvernement Truss a été fortement décrédibilisé par ses ambitions économiques irréalistes, mais surtout dévastatrices pour l’économie britannique. Oscillant entre assouplissements et contractions quantitatives, il a provoqué la dégringolade de la livre sterling qui a atteint les 1,035$ en quelques heures, une première depuis 1985. Son plan de relance budgétaire, annoncé le 23 septembre dernier par le ministre des Finances Kwasi Kwarteng, visait une croissance annuelle de 2,5%. Il espérait atteindre ce résultat en abaissant les impôts pour les plus favorisés et en refusant d’alourdir les taxes sur les sociétés afin de favoriser l’investissement. S’inspirant de la théorie thatchérienne, Mme Truss adopte ainsi des mesures économiques qui ne font qu’alimenter une inflation atteignant déjà en septembre 10,1%. De plus, cette politique a fait augmenter d’une façon vertigineuse les intérêts sur les bons du Trésor, qui explosent de 160 points de pourcentage en l’espace de trois semaines: du jamais vu !

" BoJo " reste le meilleur candidat possible à la succession de Mme Truss, en l’absence d’un M. Parfait.

 

 

Voyant les ravages économiques provoqués par son " mini budget ", elle décide de remercier son chancelier de l’Échiquier et son ami de toujours Kwasi Kwarteng, cédant sa place à Jeremy Hunt. Truss a fait un spectaculaire et humiliant volte-face en adoptant des politiques radicalement opposées. On passe des plus grandes réductions fiscales des 40 dernières années à la plus importante hausse de la fiscalité depuis 70 ans. L’image de Liz Truss assise derrière M. Hunt à la Chambre des Communes, invalidant une à une ses propositions économiques utopiques, ne fait que décrédibiliser et discréditer une Première ministre largement fragilisée par son manque d’autorité sur la scène politique.

La démission de Liz Truss met fin au plus court mandat d’un Premier ministre de l’histoire du Royaume-Uni: 44 jours seulement! Contestée au sein de son propre parti, elle perdit toute la confiance de ses parlementaires qui ont crié au scandale et ont demandé son départ immédiat. Dans son discours de démission devant Downing Street, elle a confirmé l’élection de son successeur d’ici au 28 octobre. Si le nom de Rishi Sunak, battu en septembre par Truss, ressurgit comme remplaçant sérieux, celui de Boris Johnson refait aussi surface.

 

Le futur chef du gouvernement britannique sera le troisième en deux mois. Un rythme qui, ont raillé certains observateurs sur Twitter, permettrait au roi Charles de battre le record de sa mère Elizabeth II (15 Premiers ministres) d’ici l’été 2024.

 

Poussé à la sortie en juin dernier après les multiples scandales qui l’ont éclaboussé, il avait laissé présager un retour en politique à la Chambre des Communes, en clôturant son discours final en affirmant: "Mission accomplie ! Pour l’instant… ". Aujourd’hui, le Parti conservateur, extrêmement affaibli, se retrouve au plus bas dans les sondages, 36 points derrière l’opposition travailliste. Les prochaines élections législatives prévues en 2024 sont loin d’êtres scellés d’avance ! Les tories ont grandement besoin d’un leader capable de regagner la confiance de son électorat de 2019.

 

 

Boris Johnson demeure très respecté au sein de son parti. Mais les médias lui prédisaient une grande difficulté pour réunir les cent élus nécessaires désireux d’apporter leur soutien (un prérequis pour valider sa candidature), d’autant que des dizaines d’entre eux l’avaient évincé depuis quelques mois. Selon la BBC, il aurait déjà récolté les soutiens nécessaires. En tout état de cause, M. Johnson représente la figure la plus crédible. Il est celui qui serait le plus à même de réunifier un camp divisé et de réduire l’écart des intentions de votes.

 

 

Avec la succession de chefs conservateurs, plus inefficaces les uns que les autres, le parti est ainsi miné par des dissensions profondes qui n’ont cessé de s’aggraver depuis l’épisode Truss. Le parti a donc besoin de se réunifier et de réduire l’écart dans les sondages face aux travaillistes en vue des élections de 2024. En l’absence d’un candidat parfait, l’issue la plus logique serait le retour de Boris Johnson. Le candidat favori à la succession de Truss devra s’attaquer à des dossiers nombreux et sensibles. Il doit également mener sa politique d’une main de maître afin de rassurer les marchés affolés.

Après le suspens de la succession, sera celui de la politique qu’adoptera le successeur de Truss pour faire sortir de l’ornière une économie britannique minée dans ses fondamentaux.