Soudainement, après un début de semaine marqué par l’espoir d’une désescalade, la tension est montée d’un cran vendredi avec plusieurs avertissements en provenance des Etats-Unis. La première alerte a été lancée par le président Biden lui-même qui avait prévenu que " les choses pourraient très vite s’emballer " et brusquement demandé aux ressortissants américains de quitter l’Ukraine " d’ici 24 heures " . Cet avertissement a été suivi dans la soirée par des déclarations alarmantes faites par le conseiller de la Maison Blanche pour la sécurité nationale Jake Sullivan.

Les Américains, qui ont partagé avec leurs alliés les analyses de leurs services de renseignement, ont esquissé un scénario dramatique en cas d’offensive russe. Celle-ci " commencerait probablement par des bombardements aériens et des tirs de missiles qui pourraient évidemment tuer des civils ", a dit Jake Sullivan devant la presse. Elle pourrait aussi inclure " un assaut rapide " contre Kiev. Le président américain avait toutefois répété qu’il n’enverrait pas de soldats sur le terrain en Ukraine, même pour évacuer des Américains dans l’hypothèse d’une invasion russe, car cela pourrait déclencher " une guerre mondiale ".

" Nous continuons à voir des signes d’escalade russe, y compris l’arrivée de nouvelles forces à la frontière ukrainienne ", a prévenu Sullivan après une réunion virtuelle du président américain Joe Biden avec ses principaux homologues occidentaux. " Une invasion pourrait intervenir à tout moment si Vladimir Poutine en donne l’ordre ", a-t-il ajouté. " Elle pourrait commencer pendant les Jeux olympiques, malgré toutes les spéculations selon lesquelles elles n’interviendrait qu’après les Jeux ", a-t-il martelé. Selon lui, une telle offensive est une " possibilité très, très réelle ", mais le renseignement américain ne sait pas si le président russe " a pris une décision définitive " ou non. Dans la foulée de ces annonces, Wall Street a accusé un fort repli, tandis que les cours du pétrole montaient en flèche.

Le conseiller de Joe Biden a réaffirmé que les Occidentaux étaient " prêts à tous les scénarios ", avec une riposte sans précédent en cas de guerre, mais aussi une main tendue diplomatique pour continuer les négociations avec Moscou sur la sécurité en Europe. Quelque 3000 soldats américains de plus vont être prêts en Pologne " dans les prochains jours ", a par ailleurs annoncé un autre haut responsable américain.Le président Biden pourrait ainsi s’entretenir prochainement au téléphone avec son homologue russe. Le chef de l’Etat français Emmanuel Macron va lui parler à Vladimir Poutine dès samedi midi, selon l’Elysée, avant une visite à Moscou du chancelier allemand Olaf Scholz en début de semaine prochaine.

Les dirigeants occidentaux se sont entretenus vendredi après-midi alors que s’enlisent les efforts diplomatiques européens pour tenter d’éviter que la crise russo-occidentale autour de ce pays ne dégénère en guerre. " Les alliés sont déterminés à prendre ensemble des sanctions rapides et drastiques contre la Russie en cas de nouvelles violations de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine ", a tweeté le porte-parole du chancelier allemand, à l’issue de cette réunion. " Tous les efforts diplomatiques visent à persuader Moscou d’aller vers une désescalade. Le but est d’empêcher une guerre en Europe ". La téléconférence a réuni Joe Biden, Emmanuel Macron et Olaf Scholz, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, Charles Michel, ainsi que le Premier ministre britannique, Boris Johnson, le président polonais, Andrzej Duda, ou encore le président du Conseil italien Mario Draghi et le Premier ministre canadien, Justin Trudeau.

Ursula von der Leyen a réaffirmé que " toutes les options étaient sur la table et que les sanctions concerneraient les secteurs financier et énergétique, ainsi que les exportations de produits de haute technologie ", ont précisé ses services. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a lui déclaré à ses alliés " craindre pour la sécurité de l’Europe ". La Maison Blanche a loué l’unité " remarquable " des Occidentaux face à ce qu’ils considèrent être le moment le plus dangereux pour l’Europe depuis la fin de la Guerre froide il y a trente ans.

Plusieurs séries de pourparlers ces derniers jours n’ont pas permis de progresser pour résoudre la crise, née du déploiement ces derniers mois aux frontières de l’Ukraine de plus de 100000 militaires russes avec des armes lourdes.

Vendredi, le Kremlin a relevé que des discussions réunissant la veille à Berlin des représentants de la Russie, de l’Ukraine, de l’Allemagne et de la France — dans un format surnommé " Normandie " — n’avaient produit " aucun résultat ". Ces discussions portent sur le conflit dans l’est de l’Ukraine qui oppose depuis 2014 des séparatistes appuyés par la Russie à l’armée ukrainienne, et a fait plus de 14000 morts. Elles ont duré près de dix heures et ont été " difficiles ", selon des sources proches des négociateurs français et allemands. Moscou, qui a déjà annexé la Crimée en 2014, dément toute velléité agressive envers l’Ukraine, mais conditionne toute désescalade à une série d’exigences, notamment l’assurance que Kiev n’intégrera jamais l’Otan. Inacceptable, jugent les Occidentaux.

En parallèle de ce constat, la Russie a annoncé de nouvelles manoeuvres militaires à la frontière ukrainienne. Alors qu’elle mène déjà depuis jeudi des exercices d’envergure au Bélarus, également voisin de l’Ukraine, Moscou a annoncé vendredi d’autres entraînements aux " missions de combat " dans la région frontalière russe de Rostov, avec des centaines de soldats et des chars. Par ailleurs, la marine russe conduit des manoeuvres en mer Noire dont l’Ukraine est aussi riveraine.

Avec AFP