Premier pays arabe à connaître un soulèvement démocratique en 2011 avec la " révolution du jasmin ", la Tunisie a inauguré le Printemps arabe en renversant la dictature de Zine el Abidine Ben Ali. Mais l’exercice de la démocratie, même en l’absence de guerre, a débouché sur une instabilité politique marquée par un désaccord permanent entre le parti islamiste Annahda et les autres partis laïques sur fond de marasme économique grandissant. Depuis le 25 juillet 2021 le président de la république Kais Saied, soutenu par l’armée et les services de sécurité, a pris des mesures renforçant son pouvoir, faisant craindre à ses détracteurs un retour vers un pouvoir autoritaire.
Pour Ezzeddine Hazgui, du mouvement " Citoyens contre le coup d’Etat ", la contestation contre le président prend de l’ampleur. M. Saied " avait auparavant beaucoup d’appuis, mais maintenant il est seul ", a déclaré à l’AFP M. Hazgui dont le mouvement dénonce comme un " coup d’Etat " les mesures prises depuis juillet par le président. L’Union des Magistrats Administratifs en Tunisie a qualifié le décret présidentiel de " violation flagrante de la séparation des pouvoirs ", appelant les juges à boycotter le " Conseil supérieur temporaire de la magistrature ". Le nouveau décret " renforce la subordination du judiciaire à l’exécutif ", a indiqué Saïd Benarbia, directeur régional de la Commission internationale de juristes (CIJ), une ONG basée à Genève. " S’il est mis en oeuvre, le décret va signer la fin de l’indépendance judiciaire et de la séparation des pouvoirs, entraînant ainsi la fin de la démocratie en Tunisie ", a ajouté M. Benarbia. " Ce décret donne de vastes pouvoirs au président, lui permettant de contrôler la carrière des juges, comme les suspendre ou les écarter. C’est une violation des principes de base d’un Etat de droit ", a-t-il encore dit.
Plusieurs partisans d’Ennahda ont participé à la manifestation à Tunis, appelant à la libération de l’ex-ministre de la Justice et numéro deux du parti Noureddine Bhiri, et de Fethi Baldi, cadre dirigeant de cette formation d’inspiration islamiste. Les deux hommes avaient été interpellés et emmenés de force le 31 janvier par des agents en civil vers un lieu inconnu. M. Bhiri, en grève de la faim, a été hospitalisé le lendemain à Bizerte après la détérioration de son état de santé tandis que le lieu de détention exact de M. Baldi reste secret.
Mercredi, l’organisation Human Rights Watch a dénoncé " des détentions secrètes sous couvert d’état d’urgence ", rappelant qu' "aucun mandat d’arrêt n’a été émis et les autorités n’ont divulgué aucune accusation formelle contre eux ".
Avec AFP