Une visite sous le signe de la réconciliation, les accords et les contrats juteux.  Le président turc Recep Tayyip Erdogan a effectué lundi sa première visite depuis dix ans aux Emirats arabes unis, concrétisant le rapprochement entre deux anciens rivaux. La visite de M. Erdogan fait suite à celle en novembre du prince héritier d’Abou Dhabi et dirigeant de facto des Emirats, Mohammed ben Zayed. Les deux pays avaient des relations tendues depuis la crise diplomatique déclenchée en juin 2017 entre le Qatar, proche allié de la Turquie, et les Emirats. Après la réconciliation avec le voisin qatari en janvier 2021, les Emirats, dont l’économie souffre des fluctuations des prix du pétrole et des conséquences de la pandémie de Covid-19, cherchent à apaiser les relations avec l’Iran, grand rival régional de son allié saoudien. Ils ont aussi normalisé en 2020 leurs liens diplomatiques avec Israël, ouvrant la voie à de multiples accords. La Turquie cherche, elle, à assainir ses relations dans la région, au moment où sa monnaie est en chute libre.

Cette visite de deux jours, la première de M. Erdogan aux Emirats en tant que président, a été marquée par la signature de treize accords de coopération et mémorandums d’entente (MoU), selon l’agence de presse officielle émiratie WAM. Une annonce confirmée par l’agence turque Anadolu.

Selon WAM, les accords signés portent sur les secteurs de " la santé et des sciences médicales, des industries et technologies de pointe, le climat, la culture, l’agriculture, les transports, la gestion des crises et des catastrophes, la météorologie et les médias ". Une lettre d’intention sur la coopération entre les industries de défense a été signée, selon la même source.

Abou Dhabi entretenait jusqu’à récemment une grande inimitié à l’encontre d’Ankara, lui reprochant de soutenir l’islam politique et son opposition sur différents dossiers au Moyen-Orient.

A Dubaï, la plus haute tour du monde, la Burj Khalifa, s’est illuminée aux couleurs des drapeaux émirati et turc pour marquer la visite de M. Erdogan, dont le dernier séjour aux Emirats remonte à 2013. Il était alors Premier ministre.

Plus tôt dans la journée, WAM avait rapporté que M. Erdogan et Mohammed ben Zayed avaient discuté des pistes de coopération et abordé les derniers développements régionaux. D’après des propos du ministre émirati de l’Economie, Abdallah ben Touq Al-Marri, rapportés lundi par l’agence Anadolu, la coopération entre les deux pays dans de nombreux domaines fait partie d’une " vision partagée " avec Ankara. " Le dialogue et la coopération entre la Turquie et les Emirats sont importants pour la paix et la stabilité de toute la région ", avait pour sa part déclaré M. Erdogan avant son départ de Turquie.

Abou Dhabi espère doubler, voire tripler les volumes d’échanges avec la Turquie, considérée comme une voie vers de nouveaux marchés. Le volume des échanges bilatéraux au premier semestre 2021 s’est élevé à plus de 6,3 milliards d’euros, avec un bond de croissance de 100% par rapport à la même période en 2020, selon WAM. Les investissements des Emirats en Turquie ont atteint près de 4,4 milliards d’euros fin 2020. Quant aux investissements turcs aux Emirats, ils pèsent quelque 312 millions d’euros, d’après l’agence émiratie. " Ce qu’il faut à l’avenir, ce n’est pas renforcer les relations commerciales déjà solides, mais plutôt le partenariat politique stratégique entre les deux pays ", a tweeté le professeur émirati de sciences politiques, Abdul Khaleq Abdallah.

Les Emirats font face à une menace croissante de la part des rebelles yéménites Houthis, soutenus par l’Iran. Trois personnes ont été tuées mi-janvier à Abou Dhabi après une attaque des insurgés, menée à l’aide de drones et de missiles, contre les Emirats, qui font partie d’une coalition militaire soutenant le gouvernement yéménite.

M. Erdogan a annoncé son intention de se rendre en février en Arabie saoudite, pour ce qui serait sa première visite dans le royaume depuis l’assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul. Ankara a plusieurs fois affirmé que le pouvoir saoudien était impliqué " au plus haut niveau " dans ce meurtre.

Avec AFP