De Paris, Washington ou Téhéran, les déclarations fusent sur un possible accord imminent, au moins de principe, sur le nucléaire iranien, mais le spectre d’un échec de la voie diplomatique plane toujours.

L’offre est sur la table. Les Etats-Unis et les trois pays européens (Allemagne, France, Royaume-Uni) " sont sur la même ligne " que la Russie et la Chine, " comme jamais auparavant ", souligne dans une note Henry Rome, analyste chez Eurasia Group.

Les négociateurs réunis à Vienne planchent désormais pour aplanir les derniers différends, unis dans " une pression commune sur l’Iran pour mener à terme les pourparlers ", selon lui.

Cette semaine, une source européenne faisait état d' "avancées ". La diplomatie américaine a aussi évoqué jeudi des " progrès substantiels ", jugeant une entente possible " dans les prochains jours " si l’Iran " fait preuve de sérieux ".

" On est rendu au point de bascule, là maintenant ", avait averti la veille le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.

Tout l’enjeu de ces pourparlers, qui ont repris fin novembre dans la capitale autrichienne après une longue pause, est de faire revenir les Etats-Unis dans le giron de l’accord de 2015 censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique, intention qu’a toujours niée la République islamique.

Ils l’ont quitté en 2018 sous la présidence de Donald Trump, rétablissant dans la foulée leurs sanctions. En riposte, l’Iran s’est largement affranchi des restrictions qu’il avait accepté d’imposer à ses activités nucléaires.

Les obstacles en vue d’un retour mutuel dans les clous sont connus.

Si le volet nucléaire semble bien avancé, il reste à déterminer le périmètre des sanctions à lever, et surtout les garanties que Washington peut offrir à Téhéran.

L’Iran, échaudé par l’épisode Trump, craint que le successeur de Joe Biden ne renie la parole donnée, et veut s’assurer que les entreprises et banques revenues entretemps sur son sol ne s’exposeront pas, le cas échéant, à des représailles américaines. " Sur la question des sanctions, je pense que les négociateurs occidentaux ont une marge de manoeuvre ", estime Ali Vaez, spécialiste du dossier à l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group. Mais l’autre sujet est plus compliqué, dit-il à l’AFP.

L’Iran souhaite une " déclaration politique " des Parlements nationaux ou de leurs présidents, y compris du Congrès américain, selon des propos au Financial Times de son ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian. " Nous restons préoccupés avant tout par les garanties ", a-t-il insisté, ajoutant: " nous rencontrons des problèmes pendant cette période car l’autre partie manque d’initiative sérieuse ".

Dans le même sens, le chef de la délégation iranienne Ali Bagheri a appelé ses interlocuteurs à " éviter l’intransigeance ". " Nous sommes plus proches que jamais d’un accord; toutefois, rien n’est convenu tant que tout n’est pas convenu ", a-t-il tweeté. Dans ces conditions, deux scénarios sont possibles, avance Ali Vaez. Si " dans les prochains jours, les Iraniens ne retirent pas certaines de leurs demandes, il est probable que les Etats-Unis et les Européens claquent la porte ".

Ils pourraient alors soumettre une résolution de censure au prochain Conseil des gouverneurs du gendarme onusien du nucléaire, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui débute le 7 mars. " Ce serait la première étape dans un cycle d’escalade " selon lui. M. Le Drian a mis en garde contre une " grave crise " de prolifération, tandis que l’Iran poursuit ses avancées nucléaires.

A l’inverse, " on peut assister à une percée ces prochains jours, mais pas à un accord final ". " Il reste des détails techniques à boucler ", estime M. Vaez, prédisant plutôt une conclusion " fin février ou début mars ".

L’autre expert interrogé, Henry Rome, relativise de son côté l’ultimatum lancé par les Occidentaux: " l’échéance de mars pourrait être décalée, surtout si l’Iran reste ouvert au dialogue, compte tenu de la réticence des Etats-Unis à se tourner vers une autre stratégie ", écrit-il.

Devant la situation explosive en Ukraine, les récents essais de missiles nord-coréens et sa compétition avec la Chine, note M. Vaez, " la dernière chose que veut l’administration Biden, c’est une crise majeure au Moyen-Orient ".

AFP