Saisie début mars par l’Ukraine, la Cour internationale de justice a ordonné le 16 mars à la Russie de suspendre immédiatement l’invasion de son pays voisin. Une décision saluée par Kiev, mais non reconnue par Moscou, qui réfute la compétence de la cour de se saisir du dossier.

La Cour internationale de justice (CIJ), plus haut tribunal de l’ONU, a ordonné mercredi 16 mars à la Russie de suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine, se disant " profondément préoccupée " par l’ampleur des combats. La juridiction, qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, donne ainsi raison à Kiev, qui a salué " une victoire complète de la justice et une victoire complète de l’Ukraine ".

" La Russie doit agir " dans le sens de cette décision de justice et retirer ses troupes, a déclaré à l’issue de l’audience le représentant de l’Ukraine, Anton Korynevych. Mais même si les jugements de la CIJ sont contraignants et sans appel, la cour, qui fonde ses conclusions principalement sur les traités et les conventions, n’a aucun moyen de les faire respecter.

" La Fédération de Russie doit suspendre immédiatement les opérations militaires qu’elle a commencées le 24 février 2022 sur le territoire ukrainien ", a déclaré Joan Donoghue, juge présidente de la CIJ. " La cour a bien conscience de l’ampleur de la tragédie humaine en Ukraine " et est " profondément préoccupée par l’emploi de la force russe qui soulève des problèmes très graves de droit international ", a poursuivi Mme Donoghue lors d’une audience.

Les magistrats ont également ordonné à Moscou de veiller à ce que toutes les unités armées qui soutiennent la Russie en Ukraine " ne prennent aucune autre mesure " pour poursuivre l’offensive.

La cour s’exprimait dans le cadre d’une procédure d’urgence lancée par Kiev quelques jours après le début de l’invasion russe. L’Ukraine demandait au plus haut tribunal de l’ONU d’ordonner à Moscou d’arrêter immédiatement ses opérations militaires, en attendant un verdict sur le fond du conflit entre les deux pays, ce qui pourrait prendre des années. Conformément à la demande de Kiev, la CIJ, créée en 1946 pour régler les disputes entre les Etats, a décidé de prononcer des mesures d’urgence, dites conservatoires, pour ordonner à la Russie de suspendre immédiatement son invasion.

En près de trois semaines de conflit, plus de trois millions de personnes ont fui l’Ukraine. Vladimir Poutine a assuré mercredi 16 mars que l’invasion russe de l’Ukraine était " un succès ", son homologue Volodymyr Zelensky lançant lui un nouveau vibrant appel à l’aide, en pleines négociations sur une éventuelle neutralité ukrainienne.

Kiev estime que la Russie a illégalement justifié son invasion en alléguant à tort un génocide contre les populations russophones dans les régions ukrainiennes de Donetsk et Lougansk.

La Russie a refusé de comparaître lors des audiences tenues par la CIJ sur l’affaire, les 7 et 8 mars. Mais dans un document écrit, Moscou a réfuté la compétence de la cour sur la requête de l’Ukraine. La Russie affirme que celle-ci ne relève pas du champ d’application de la Convention sur le génocide de 1948, sur laquelle Kiev fonde son dossier, et dont les deux pays sont parties.

" Le gouvernement de la Fédération de Russie demande respectueusement à la Cour de s’abstenir d’indiquer des mesures conservatoires et de retirer l’affaire de son rôle ", a déclaré Moscou en amont du verdict. Une requête rejetée mercredi par la CIJ, qui a conclu qu’elle avait bel et bien compétence dans l’affaire, au nom de la convention sur le génocide.

La Russie a ajouté qu’elle n’avait pas comparu devant les magistrats parce qu’elle n’avait pas eu assez de temps pour se préparer. Et l’invasion en Ukraine est, selon Moscou, un acte de " légitime défense ".

Une autre juridiction basée à La Haye se penche également sur le conflit. Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) s’est rendu mercredi dans ce pays dans le cadre de son enquête sur des allégations de crimes de guerre.

Avec AFP