De nombreux intérêts lient la Chine au régime des Talibans sur tous les plans : sécuritaires, avec la sécurisation de la frontière est-chinoise et la lutte contre le terrorisme, économiques, avec le développement de la nouvelle route de la Soie et l’exploitation des mines afghanes, et politiques, avec l’établissement d’une alliance anti-Occident. Si la Chine ne reconnait toujours pas officiellement le régime des Talibans, elle multiplie les signes de bonne volonté, avec la visite du chef de la diplomatie chinoise de Kaboul le 23 mars.

Les talibans ont assuré jeudi qu’ils répondraient à " toutes les préoccupations " de la Chine, lors d’une rencontre à Kaboul avec le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi, pour sa première visite en Afghanistan depuis l’arrivée au pouvoir des fondamentalistes islamistes.

La Chine partage une petite frontière de 76 kilomètres à très haute altitude avec l’Afghanistan, mais Pékin craint depuis longtemps que son voisin ne devienne une base de repli pour les séparatistes et islamistes de l’ethnie locale ouïghour.

Arrivé jeudi à Kaboul, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a rencontré le vice-Premier ministre Abdul Ghani Baradar et le ministre des Affaires étrangères Amir Khan Muttaqi. Dans un communiqué publié par le vice-Premier ministre, sans faire mention spécifiquement des Ouïghours, les talibans ont assuré M. Wang qu’ils répondraient à " toutes les préoccupations " qu’il " pense émerger du sol afghan ".

Depuis leur retour au pouvoir en août, les talibans se sont engagés à plusieurs reprises à ne pas permettre que le sol afghan serve de base à des groupes armés étrangers.

Ils avaient hébergé Oussama ben Laden et d’autres hauts responsables du mouvement Al-Qaïda à la suite des attentats du 11-Septembre, qui ont conduit les États-Unis à intervenir en Afghanistan et à mettre un terme au premier règne des talibans (1996-2001).

Avant leur prise du pouvoir à Kaboul, Pékin a cherché à maintenir des liens avec les fondamentalistes islamistes, alors que les forces américaines et de l’Otan se retiraient d’Afghanistan.

" L’Émirat islamique veut étendre davantage ses liens " avec la Chine, a indiqué le communiqué du vice-Premier ministre.

MM. Wang et Muttaqi ont également évoqué l’élargissement des " liens économiques et politiques " entre les deux pays, a indiqué de son côté le ministère des Affaires étrangères dans un tweet.

Outre le chef de la diplomatie chinoise, l’envoyé spécial russe pour l’Afghanistan, Zamir Kabulov, est aussi arrivé à Kaboul où il devait s’entretenir avec des responsables talibans, a indiqué le ministère des Affaires étrangères.

L’Afghanistan est plongé dans une grave crise financière et humanitaire, provoquée par le gel de milliards d’avoirs détenus à l’étranger et l’arrêt brutal de l’aide internationale qui portait le pays à bout de bras depuis 20 ans, et qui revient désormais au compte-gouttes.

La visite de M. Wang intervient une semaine avant une réunion prévue à Pékin avec les pays frontaliers de l’Afghanistan, particulièrement le Pakistan, pour discuter de l’aide à apporter au nouveau régime taliban et de nouveaux projets économiques.

Maintenir la stabilité après des décennies de guerre en Afghanistan est la principale considération de Pékin, qui cherche à sécuriser ses frontières et ses investissements dans les infrastructures stratégiques au Pakistan voisin, qui abrite le corridor économique Chine-Pakistan.

Pour Pékin, une administration stable et coopérative à Kaboul ouvrirait également la voie à une expansion de son grand projet d’infrastructures des " Nouvelles routes de la soie ", auquel s’est rallié l’Afghanistan en 2016. Les talibans de leur côté considèrent la Chine comme une source cruciale d’investissement et de soutien économique, que ce soit directement ou via le Pakistan.

Contrairement à plusieurs puissances occidentales, la Chine a maintenu ouverte son ambassade à Kaboul et son ambassadeur est toujours présent dans la capitale afghane. Pékin a tout de même rapatrié 210 de ses ressortissants juste avant la prise de la capitale par les talibans. Aucun pays n’a jusque-là reconnu officiellement le nouveau régime de Kaboul.

Avec AFP