Sur sa chaîne Telegram, le dirigeant de la république russe de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, diffuse une vidéo de soldats tchétchènes qui se trouveraient à Lyssytchansk. Sur les images, des soldats armés et en uniforme sont sur une route de campagne puis dans une ville, avec des drapeaux tchétchènes, soviétiques et russes.

 

L’armée russe a déclaré dimanche avoir pris le contrôle total de la région de Lougansk qui, avec celle de Donetsk, constitue le Donbass. Ce bassin minier est peuplé essentiellement d’Ukrainiens russophones. Moscou avait, en 2014, occupé une partie du Donbass pour y installer deux entités séparatistes reconnues comme " républiques  populaires " indépendantes la veille de son invasion de l’Ukraine fin février.

Depuis le début de la campagne du Donbass, les forces ukrainiennes, inférieures en nombre et en matériels, ont été obligées de battre en retraite après avoir opposé une résistance acharnée face aux Russes. La nature du terrain, dominé par de vastes plaines, offrait à l’artillerie russe un avantage net. Ceci n’était pas le cas pour les combats de rue qui ont opposé les résistants ukrainiens à l’armée de Moscou lorsque celle-ci voulait rapidement prendre Kiev pour décapiter le pouvoir. Aux environs de leur capitale, les Ukrainiens avaient pu déloger les Russes et reprendre, non sans mal, les villes occupées.

La victoire russe au Donbass pourrait marquer un tournant dans la guerre dans la mesure où elle offrira un avantage au président Poutine en cas d’une reprise des négociations sur un cessez-le-feu. Mais d’aucuns pensent que le maître du Kremlin n’a rien à perdre en poursuivant la guerre, faisant fi des appels au dialogue et des sanctions pesant sur la vie quotidienne des Russes.

 

L’armée ukrainienne a confirmé dimanche soir son retrait de Lyssytchansk, ville stratégique de l’Est de l’Ukraine dont la prise avait été revendiquée quelques heures plus tôt par Moscou, qui dit contrôler toute la région de Lougansk.

" Afin de préserver les vies des défenseurs ukrainiens, la décision a été prise de se retirer " de la ville, a annoncé l’état-major des forces armées ukrainiennes dans un communiqué.

" Dans les conditions d’une supériorité multiple des troupes russes en artillerie, en forces aériennes, en systèmes de lancement de missiles, en munitions et en personnel, continuer la défense de la ville aurait eu des conséquences fatales ", ajoute ce communiqué.

Après des semaines de combats dévastateurs, la prise de Lyssytchansk, qui comptait 95.000 habitants avant la guerre, permet à Moscou de progresser dans son plan de conquête de l’intégralité du Donbass, bassin industriel de l’est de l’Ukraine largement russophone et en partie contrôlé par des séparatistes prorusses depuis 2014.

 

L’armée russe pourra ainsi avancer vers Sloviansk et Kramatorsk, deux villes majeures plus à l’ouest, touchées dimanche par des tirs de roquettes.

Dans la matinée, le ministère russe de la Défense, cité par les agences de presse russes, avait annoncé que l’armée russe et ses alliés séparatistes avaient pris " le contrôle complet de Lyssytchansk et d’autres villes proches ".

Selon un communiqué, le ministre russe de la Défense " Sergueï Choïgou a informé (le président Vladimir) Poutine de la libération de la république populaire de Lougansk ", l’une des deux entités séparatistes, avec celle de Donetsk, combattant depuis 2014 pour faire sécession de l’Ukraine.

Igor Konachenkov, porte-parole du ministère russe de la Défense

Dans son allocution du soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a tenté de faire bonne figure. " Si le commandement de notre armée retire des troupes de certains points du front où l’ennemi a l’avantage du feu – et cela s’applique en particulier à Lyssytchansk -, cela ne signifie qu’une chose: que nous reviendrons ", a-t-il lancé.

" Aujourd’hui (les Russes) ont amassé leur plus grande puissance de feu dans le Donbass. Et ils peuvent tirer des dizaines de milliers d’obus d’artillerie par jour sur une section du front. C’est la réalité ", a expliqué le président.

Mais " nous avançons progressivement, à la fois dans les régions de Kharkiv et Kherson, et en mer (…) Un jour viendra où nous dirons la même chose du Donbass ", a-t-il assuré.

 

Dimanche matin, le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, avait indiqué à propos de Lyssytchansk que " la ville est en feu ". Selon lui, l’assaut russe a été beaucoup plus violent que sur la ville jumelle de Severodonetsk, sur la rive orientale de la Donets, tombée fin juin.

Un peu plus à l’ouest, des frappes russes ont touché plusieurs quartiers de Sloviansk, selon le maire de cette ville d’environ 100.000 habitants avant la guerre, Vadym Liakh. Dans la soirée, le président ukrainien a fait état d’un bilan de six morts, dont une fillette de neuf ans, et " une vingtaine de blessés ".

" Des tirs au lance-roquettes multiple sur Sloviansk, les plus importants depuis longtemps. Il y a 15 incendies ", a ajouté Vadim Liakh sur Facebook.

Tetiana Ignatchenko, porte-parole de la région de Donetsk, à laquelle appartient Sloviansk, a réitéré l’appel aux habitants à quitter la région, alors que la ligne de front n’est plus qu’à quelques kilomètres de Sloviansk.

Siversk, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Lyssytchansk, pourrait être la prochaine bataille. Les forces ukrainiennes semblent vouloir s’appuyer sur une ligne de défense entre cette ville et Bakhmout, afin de protéger Sloviansk et Kramatorsk.

Siversk a été pilonnée dans la nuit, ont raconté dimanche des habitants et un responsable local. " C’était intense et ça tirait de tous les côtés ", a indiqué une femme réfugiée dans une cave d’immeuble.

A Lviv, à l’ouest de l’Ukraine, les funérailles de soldats morts sur le front de l’est sont devenues quotidiennes.

" Depuis une semaine, les bombardements sur la ville ont progressivement augmenté, surtout ces derniers jours avec de l’artillerie lourde ", a déclaré à l’AFP le premier adjoint au maire, Rouslan Bondarevskiï. Dans les locaux de la mairie, des cartons d’aide humanitaire de la Croix-Rouge étaient distribués dimanche aux habitants.

A Kramatorsk, centre administratif du Donbass sous contrôle ukrainien, une roquette Smertch a touché un quartier résidentiel sans faire de blessés, selon le maire Oleksandr Gontcharenko.

Offensives ukrainiennes

A Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine, les habitants ont été réveillés une nouvelle fois à 04H00 " par des attaques de roquettes " russes, selon le gouverneur de la région, Oleg Sinegoubov, qui a également signalé des " tirs " dans la matinée sur plusieurs districts.

L’hélicoptère russe Kamov Ka-52 " Alligator "

Sur le front sud, le commandement régional ukrainien a indiqué qu’en 24 heures, l’armée russe avait mené " neuf frappes aériennes avec des hélicoptères de combat K-52 et deux bombardements sur l’île des Serpents ", reprise mercredi par Kiev dans le nord-ouest de la mer Noire.

A Melitopol, ville occupée par les forces de Moscou, l’armée ukrainienne a " mis hors service " dans la nuit de samedi à dimanche une base militaire russe, selon le maire en exil de la commune, Ivan Fedorov.

Evgueni Balitski, chef de l’administration prorusse de la région, a indiqué que des maisons situées à proximité de la base avaient été endommagées et que des obus étaient " tombés sur le territoire de l’aérodrome ", tout en assurant qu’il n’y avait pas de blessés.

Frappe ukrainienne en Russie

L’armée russe a affirmé avoir abattu dimanche à l’aube trois missiles ukrainiens lancés contre la ville russe de Belgorod, proche de la frontière avec l’Ukraine, où un responsable local avait auparavant annoncé la mort d’au moins quatre personnes après des explosions.

Un missile Tochka-U.

" Les défenses antiaériennes russes ont abattu les trois missiles Totchka-U à sous-munitions lancés par les nationalistes ukrainiens contre Belgorod. Après la destruction des missiles ukrainiens, les débris de l’un d’entre eux sont tombés sur une maison ", a déclaré le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov.

Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février, Moscou a accusé Kiev à plusieurs reprises d’avoir frappé le sol russe, en particulier dans la région de Belgorod.

Scholz s’en prend à Poutine

Dans un entretien accordé dimanche à la télévision allemande ARD, le chancelier Olaf Scholz a déclaré qu’une " capitulation sans condition " de l’Ukraine, comme l’exige Vladimir Poutine, ou " une paix imposée " à l’Ukraine n’était pas acceptable.

" Quand je parle avec Poutine, je lui dis toujours : +Gardez à l’esprit que les sanctions que nous (l’Union européenne) imposons à la Russie actuellement resteront, l’idée d’une paix qui serait imposée est absurde, vous devriez plutôt concentrer vos efforts pour parvenir à un règlement juste avec l’Ukraine+ ", a-t-il ajouté.

Dans un message vidéo samedi soir, le président ukrainien avait dénombré " 2.610 " villes et villages " sous occupation russe ".

" Le président russe recevra l’accueil qu’il mérite s’il participe au sommet du G20 ", a déclaré le Premier ministre australien Anthony Albanese lors de sa visite au président ukrainien Volodymyr Zelensky, dimanche.

" Des centaines ont été complètement détruits par l’armée russe et doivent être totalement reconstruits ", a-t-il ajouté. La reconstruction du pays sera au coeur d’une conférence internationale lundi et mardi à Lugano, en Suisse.

M. Zelensky a rencontré dimanche le Premier ministre australien Anthony Albanese, qui a promis d’augmenter de 100 millions de dollars (sans préciser s’ils étaient australiens ou américains) son soutien militaire à l’Ukraine, lors du premier déplacement à Kiev d’un chef de gouvernement australien.

M. Albanese a également affirmé que le président russe recevra " l’accueil qu’il mérite " s’il participe au sommet du G20 en novembre à Bali, en Indonésie. " Si M. Poutine assiste à cette réunion (…), il recevra l’accueil qu’il mérite, qui n’est pas celui d’un ami, de quelqu’un qui respecte l’état de droit international ", a-t-il lancé.

Des centaines de manifestants se sont rassemblés samedi soir à Times Square, à New York, pour dénoncer l’occupation russe de l’Ukraine.

Avec AFP