" Ils reviendront s’asseoir à son ombre, ils redonneront la vie au froment et ils fleuriront comme la vigne; ils auront la renommée du vin du Liban. " (Osée, 14:7)

La contrée du Batroun prend une importance croissante en tant que région touristique de qualité, avec une nature et un patrimoine architectural bien mieux préservés qu’ailleurs au Liban. C’est un site de prédilection pour les artistes et intellectuels et par-dessus tout, pour les producteurs de vins. La viticulture y a prospéré ces dernières décennies grâce à la création de nouveaux vins avec des œnologues libanais et européens. Plusieurs établissements vinicoles sont venus enrichir ce terroir déjà chargé d’art, d’histoire et de spiritualité, entre les fresques syriaques médiévales de Saint-Saba de Eddé, le monastère Saint-Cyprien-et-Sainte-Justine de Kfifén, celui de Saint-Joseph de Jrabta, et le château-fort de Smar-Jbeil.

Le festival : " De vin et de musique ".

Désirant mettre en valeur le patrimoine culturel de Batroun et promouvoir son caractère de région viticole, le compositeur Khaled Mouzanar monte un concert les 30 et 31 juillet au soir. Cet événement relève d’un festival annuel avec des musiciens venus spécialement au Liban. Les recettes de cette année serviront à la réhabilitation et à l’entretien du château-fort. Ce sera aussi l’occasion de promouvoir les vins du pays de Batroun, avec l’organisation de dégustations. Car le Liban est le pays du vin depuis que la Bible l’a pris pour exemple. Nous lisons justement dans le livre du prophète Osée (14:7) : " Ils reviendront s’asseoir à son ombre, ils redonneront la vie au froment et ils fleuriront comme la vigne; ils auront la renommée du vin du Liban. "

Par son étymologie cananéenne, Shmar-Guebal, la gardienne de Byblos, a toujours révélé une vocation défensive. Son château taillé à même le roc, conformément à l’affinité phénicienne pour le monolithisme, a été repris par les Perses, puis les Grecs et enfin les Romains qui l’ont entretenu et agrandi. Il a joué un rôle central durant les premiers siècles de l’Église maronite indépendante. C’était la place forte principale des Mardaïtes de saint Jean Maron pour le contrôle du littoral. Il aurait pris part à la stratégie militaire qui a mené à la victoire sur l’armée byzantine à Amioun en 695. Ce poste militaire gardait aussi la route du premier patriarcat maronite de Kfar-Hay. Saint Jean Maron aurait même établi son siège à l’intérieur de la forteresse avant d’avoir réussi à pacifier et à sécuriser la région.

Grâce à ses nombreux puits et à un réseau de tunnels le relayant aux vallées environnantes, les maronites ont pu garder le château jusqu’à sa prise par les Arabes au IXe siècle. Dès le début du XIe siècle, les chrétiens ont récupéré l’édifice grâce aux Croisés qui l’ont reconstruit et enrichi d’une chapelle encore visible de nos jours.

À nouveau, le site est tombé aux mains des Mamelouks vers la fin du XIIIe siècle. Comme partout ailleurs au Liban, ces derniers ont ravagé la région qu’ils ont entièrement dépeuplée. La population n’a pu revenir à Smar-Jbeil qu’à partir du XVIe siècle, sous les Ottomans. L’église de Mar-Nohra a pu être restaurée dès cette époque, alors que celle de Notre-Dame-des-Dons ainsi que le château et sa chapelle croisée sont restés en ruine. Le fort a aussi perdu son donjon effondré lors d’un tremblement de terre dans la nuit du dimanche 25 novembre 1630, à 3h, comme nous le relate avec minutie, le patriarche Estéphanos Douaihy.

Le château fort de Smar-Jbeil. ©Lebanonuntravelled

L’un des puits du château porte encore les traces des doigts de saint Lucius, ou Mar Nohra, gravées dans la pierre de la margelle à laquelle il s’était agrippé pour résister aux soldats qui le précipitaient dans le vide. Il est l’intercesseur pour les maladies des yeux, et son nom en syriaque, Nohra, signifie lumière.

C’est dans cette forteresse, aux soubassements phéniciens et à l’architecture franque, qu’aura lieu le festival culturel " De vin et de musique ". Ici-même, entre le puits de Mar Nohra et la chapelle franque, au pied du donjon et entouré de voûtes avec vue sur la Méditerranée, se fera la redécouverte du Liban enchanté dans une atmosphère de vin et de musique. Les samedi 30 et dimanche 31 juillet, les spectateurs pourront savourer les bouteilles d’Ixsir, d’Atibaia et du Clos du Phoenix en admirant le coucher du soleil sur une côte qui s’étire entre Byblos et Tripoli. À cela viendront s’ajouter des dégustations de hors-d’œuvres et de gourmets après le concert, avec des produits du terroir.

Le bandonéoniste international Mario Stephano Pietrodarchi offrira avec son quintette, deux concerts sous la direction artistique de Khaled Mouzanar. Le programme " Cine e Tango " comprendra des partitions musicales de Ennio Morricone, Nino Rota, Astor Piazzolla et Khaled Mouzanar lui-même.

Ce dernier explique à Ici Beyrouth que c’est là, sa manière à lui, d’insuffler la vie au Liban et de lui rendre sa lumière. C’est son mode de résistance contre la culture de la mort. Pour ce compositeur amoureux du Liban et de Batroun, c’est aujourd’hui que le pays et son peuple ont le plus besoin de nous. La résistance authentique se fait dans la production et dans la créativité, dans le retour à la terre et au terroir, dans la sauvegarde de l’héritage et du patrimoine, et dans la découverte de notre histoire et de l’infinie beauté de nos montagnes.

Khaled Mouzanar refuse de céder. Aujourd’hui plus que jamais, le Liban a besoin de retrouver sa vocation culturelle, dit-il. Pays des arts et de la fine cuisine, de la beauté et de la pensée, du vin et de la musique, il est aussi la terre des saints et du miracle de la vie. Le Liban sera toujours le pays des fêtes et de la joie de vivre et c’est en ce moment terrible de désespoir, qu’il devra encore faire ses preuves, nous surprendre, exalter et enivrer.

N.B. – Billets disponibles chez Virgin, ou à l’entrée du Festival, soit via OMT avec une copie de la réservation effectuée sur le site du festival.