Trois générations se côtoient dans cette exposition collective qui, à la galerie Janine Rebeiz, veut célébrer la peinture.

La génération des aînés d’abord, représentés ici par Jamil Molaeb. Né en 1948 à Baissour où il vit encore, Jamil Molaeb appartient à la génération 1975, celle des artistes dont le travail a commencé à se développer durant les années de guerre civile. Élève de Paul Guiragaussian et Chafic Abboud, il s’inscrit en 1984 au Pratt Institute de New York où il obtient un MFA, puis un doctorat en éducation artistique à l’Ohio State University.

Les peintures de Jamil Molaeb ont souvent été rapprochées de la simplicité des miniatures et des icônes. L’élément folklorique y est important. On y voit des scènes de villages: le travail des champs et, plus largement, les activités humaines, les fêtes, les célébrations, les traditions, toute une vie communautaire qui raconte aussi, d’une certaine manière, l’histoire de son village Baissour. Ses nouvelles œuvres donnent à réfléchir sur la cohésion du pays en partant de sa dimension humaine et culturelle.

Jamil Molaeb, لبنان أرض مملكة السماوات, 2019, oil on canvas, 155x210cm 2

Une deuxième génération, massivement représentée par la galerie, se construit autour des artistes Aida Salloum (1954), Hanibal Srouji (1957), Rached Bohsali (1957), Élie Bourgély (1960), Bassam Geitani (1962), Leila Jabre Jureidini (1963), Joseph Harb (1964) et Alain Vassoyan (1966). Ils ont entre 10 et 20 ans au début de la guerre civile. Leur travail commence à se développer au sortir de celle-ci, sans toutefois s’inscrire dans la mouvance conceptuelle qui s’était saisie, dans les années 90, de la problématique de la mémoire comme matière même du travail esthétique. Ils ont majoritairement fait leurs études à Paris, à Montréal, ou encore à New York, et sont, presque tous, enseignants universitaires et directeurs de filières artistiques. Ces artistes, solides académiques par ailleurs, ont également en commun le fait d’avoir voulu travailler loin du bruit. Ici, il se passe quelque chose, de l’ordre du fait générationnel, sûrement, et aussi quelque chose qui est de l’ordre du métier: la peinture.

Une troisième génération constituée d’Elissa Raad (1976), Ghada Zoghbi (1980) et Petram Chalach (1988) est venue, plus récemment, s’adjoindre à la galerie. Des travaux surprenants, il faut le reconnaître, peu connus ou mal connus, à l’évolution attendue.

Trois générations qui ont toutes en commun d’avoir pratiqué, continué de pratiquer et de revendiquer le travail pictural, comme un medium, comme un choix, mais aussi comme un métier.

Elissa Raad, The widowed virgin, 2006, oil on canvas, 153.5x137cm

Qu’est-ce que célébrer la peinture? Pourquoi la peinture?

D’abord parce que c’est un programme que se fixe la galerie. En effet, depuis l’automne 2021, la galerie Janine Rubeiz a lancé sa saison artistique d’automne avec une série d’expositions axées sur la peinture. Aujourd’hui, est-il mentionné dans le carton d’invitation, cette exposition collective poursuit les efforts de la galerie pour présenter des artistes connus et émergents à la scène artistique, dans une tentative de faire la lumière sur ce qu’est la "peinture" aujourd’hui au Liban.

S’il paraît a priori ambitieux de donner des contours à ce que nous allons également appeler "la peinture aujourd’hui au Liban", il est en revanche de plus en plus à l’ordre du jour de s’entretenir de peinture, et à plus forte raison d’en montrer. Si amateurs et spécialistes observent aujourd’hui ce que nous entendons souvent comme étant "un retour à la peinture", ce retour mérite bien entendu d’être approché comme un phénomène.

"Célébrer" la peinture, cela équivaut alors à statuer sur sa persistance et sa capacité à créer un espace de résistance où, face à l’hégémonie des pratiques artistiques contemporaines, il reste possible de dire ailleurs et autrement.