Rebirth Beyrouth, en collaboration avec l’atelier CM, présente Overexposed, une exposition en solo du peintre Frédéric Husseini, architecte de profession, à partir du jeudi 13 octobre jusqu’au 18 octobre à la rue Gouraud à Gemmayzé.

Surexposition, le mot est lancé! Celui de la mise en lumière grâce à l’œuvre d’art de toutes nos brisures et blessures comme sous les feux d’un projecteur. L’exposition met ainsi en lumière et remet en question le concept même de la ville et de toute construction humaine. La ville est-elle réelle ou illusoire? L’artiste s’interroge sur les raisons de sa gloire ou de sa déchéance en faisant référence à des mythes comme celui d’Icare ou de la tour de Babel… Il nous incite aussi à réfléchir sur le sort de ces villes ayant jadis brillé de mille feux en déesses souveraines au sommet de l’Olympe, ayant approché le soleil de trop près à s’en brûler les ailes…

Villes construites de luxure et de vanité, à l’image de ces gratte-ciel, symboles phalliques et dérisoires de la folie des hommes, de leur quête insensée de gloire et de puissance. L’artiste dénonce ainsi le culte de l’artifice et de toute représentation factice qui dénie la fragilité de la condition humaine.

Overexposed se présente donc comme un révélateur de l’image surexposée, celle de nos selfies sur les réseaux sociaux, celle de nos egos surdimensionnés, celle, pathétique, du surhomme, géant aux pieds d’argile qui construit des villes sur des sables mouvants, à l’instar de Beyrouth la belle, la divine, bâtie sur des rêves aussi vains qu’illusoires. Travail sur la matière, sur des volumes solides et en même temps instables comme en déséquilibre; à l’instar des édifices d’une ville pétrie de contradictions, en proie aux tensions intérieures qui rongent ses assisses, victime de multiples secousses surgissant de ses entrailles pour mieux l’engloutir.

De la ville déconstruite comme plongée dans les ténèbres émerge cependant une lueur d’espoir: lumière jaune ou rouge qu’inscrit le peintre au-dessus du noir, une porte ouverte pour le spectateur appelé à reconstruire sa ville à sa manière… L’artiste, en exploration permanente de nouvelles voies, emprunte celle du langage abstrait, géométrique presque cubiste. Un code particulier, qui participe au processus de construction/déconstruction, schéma évolutif semblable à la vie toujours en mouvement, au parcours en dent de scie fait d’allers-retours, de victoires et de défaites.

Cette démarche est une invitation à l’interaction, au dialogue incessant entre le peintre, son œuvre et le public. L’artiste finit par s’effacer lui-même en ouvrant visuellement un cadre d’exploration, aux multiples interprétations, aux différents ressentis du spectateur. Ce dernier est de ce fait, appelé à participer au processus créatif pour reconstruire, compléter, traduire et s’émouvoir.

Le style quasi-symbolique se décline alors en images indéfinies, disloquées, répétitives, et se conjugue aussi à la verticale en lignes brisées serrées, discordantes dans une sorte de rythme saccadé et sonore.

Danse stridente à l’unisson ou combat au corps à corps, musique scandée en notes intenses et primaires, blanc éclatant de lumière s’opposant au bleu et gris sombres, couleurs chatoyantes du rouge feu au jaune soleil; tous ces éléments participent à vivifier nos sens et réchauffer nos cœurs.

De ces œuvres surgissent parfois des figures abstraites que l’on peut entrevoir, mais qui s’enfuient à la hâte comme pour échapper à l’emprise du regard.

Formes informes semblables à des silhouettes en gestation qui, à peine construites, sont déjà déconstruites, à l’instar de toute entreprise humaine incomplète et maladroite, vouée par essence à la finitude.

La question demeure, celle de l’équilibre instable et fragile de l’Être entre individuation et indifférenciation, achèvement et inachèvement, néant ou devenir.

Overexposed est une exposition qui se met à nu, s’offre comme un champ ouvert de questions sans réponses, une histoire à écrire et réécrire sans cesse par un public qui en devient le propre acteur pour la refaire et la défaire à l’infini, pour son grand bonheur.

Jocelyne Ghannagé
joganne.com