Les Complices est un entretien croisé sur scène entre Farès Sassine et Jabbour Douaihy, joué respectivement par Joe Abi Aad et Cyril Jabre à la salle Montaigne de l’Institut français de Beyrouth. Le texte est adapté par Alexandre Najjar et mis en scène par Mirana al-Naimy et Maria Douaihy. Un hommage rendu par l’Orient Littéraire – dans le cadre de Beyrouth Livres –  pour ceux qui furent plus que deux de leurs piliers essentiels: leurs murs porteurs.

La pièce est un retour en arrière qui nous ancre dans le moment présent d’une conversation entre les deux auteurs disparus. Ils  débattent au moment présent des questions de littérature, de théâtre, de la vie et de la mort… Ils se côtoient dans la vie et se suivent dans la mort à une intervalle de deux heures de temps. La conversation des deux acteurs est si prenante, si vraie, que l’on s’oublie le temps d’une scène, entre vie et mort, mots et idées, présent, passé et futur… Le temps, les personnages, les moyens d’expression, tout est un et nous prenons conscience de ce tout.

— […] Tu sais, j’en ai plus pour très longtemps.
— Tu vas t’en aller et me laisser seul? Tu es sûr? Moi? Jamais! Je t’accompagne.
— Comment ça tu m’accompagnes?
— Il est plus facile et amusant de mourir à deux. On se donnera du courage. On fera le voyage ensemble comme quand nous sommes allés en Sicile […].

La pièce est ponctuée de "Yalla, oum ta nemcheh" (Allez, on y va!), phrase qui reste ancrée dans la mémoire des spectateurs et qui en dit long sur les efforts multipliés en une seule vie pour enfin s’évanouir dans l’au-delà, l’infini des silences, ou celui des mots qui restent… "Yalla"…

Joe Abi Aad nous parle de son expérience dans ce projet: "Mirana al-Naimy, qui avait mis en scène Antoura: Sentier de la lune, m’avait parlé d’un projet mais c’était un mystère total. À la première réunion, on a discuté avec Maria, la fille de Jabbour Douaihy, ainsi qu’avec Rania et Myriam (NDLR: les filles de Farès Sassine). Le contexte m’a semblé très intéressant. J’ai découvert en premier lieu Jabbour Douaihy grâce à son ouvrage Le Manuscrit de Beyrouth. Quant à Farès Sassine, je l’ai découvert à travers des vidéos, des interviews qu’il a passées à la télévision et des photos, ainsi qu’à travers le récit de ses filles. J’ai donc saisi sa personnalité, son ironie, son côté espiègle, ses yeux malicieux, son sourire, le côté jamais satisfait. Je pense que sans le connaître, il y a eu une alchimie… J’ai adoré la personne. À ces ingrédients-là, s’ajoute la complicité avec Cyril Jabre. Le tout forme une alchimie essentielle à la réussite du projet."

En ce qui concerne son incarnation du personnage de Farès Sassine, Joe Abi Aad affirme qu’il se sent " honoré d’incarner sur scène ce penseur que je respecte beaucoup. Cela exige une grande responsabilité. Je devais arriver à restituer l’esprit de Farès Sassine, sans prétention. J’ai passé beaucoup de temps avec les filles pour arriver à saisir le personnage." "J’ai par ailleurs compris les dires de Farès quand il affirme que Jabbour Douaihy procède par séquences et qu’il rédige des chapitres qui se tiennent. Dans Le Manuscrit de Beyrouth, chaque chapitre peut en effet se lire tout seul. Il tient dans l’histoire, l’humour ainsi que le message profond, et est écrit avec un très beau style. Je suis tombé sous le charme de ce projet", confie-t-il.

De plus, pour la direction d’acteurs et la mise en scène, il témoigne: "Travailler avec Mirana al-Naimy est dur mais formateur. Elle corrige sans cesse des défauts de jeu et est très stricte, à bon escient. Cela peut être exaspérant pour le jeu, mais pour moi, elle a toujours raison."

Marie-Christine Tayah
Insta: @mariechristine.tayah