Parmi les 160 toiles réalisées à "quatre mains" entre 1983 et 1985, 70 sont présentées à partir de mercredi à la fondation Louis Vuitton à Paris. L’exposition intitulée Warhol/Basquiat: l’art en fusion est la première rétrospective mondiale de cette ampleur pour ces deux grands artistes.

En octobre 1982, Andy Warhol, alors âgé de 54 ans, a été présenté à Jean-Michel Basquiat, un jeune artiste noir de 22 ans, lors d’une séance photo organisée par leur marchand d’art. Basquiat est parti avec le Polaroid et, deux heures plus tard, a rapporté à Warhol un portrait du duo qu’il venait de peindre. Warhol a été bluffé par le talent du jeune artiste et cela a marqué le début d’une collaboration créative sans précédent.

Selon Dieter Buchhart, spécialiste de Basquiat et commissaire principal de l’exposition, cette collaboration entre les deux artistes est "certainement la plus réussie de l’histoire de l’art entre deux grands artistes, jamais égalée à ce niveau et dans ce laps de temps". Cette exposition est la première rétrospective mondiale de cette ampleur pour Warhol/Basquiat à quatre mains.

Les deux artistes, bien que différents dans leur approche artistique, ont réussi à créer une œuvre collective qui dépasse les limites de leur propre style. Le travail collaboratif était tel que Keith Haring le qualifiait de "conversation en peinture", empreinte de "respect", de générosité, de confiance et de joute.

Sont présentés quelque 300 œuvres et documents, parmi lesquels, outre les très grands formats du duo, une série de photographies des deux artistes en boxeurs de Michael Halsband, des œuvres de Keith Haring, Jenny Holzer et Kenny Scharf ainsi que des collaborations avec Francesco Clemente.

Les toiles sont un mélange complexe de thèmes tels que la folie consumériste, la culture populaire, l’imagerie pop et les drames sociaux tels que les violences policières et le racisme. L’une des œuvres les plus marquantes, Taxi, 45th/Broadway, représentant un homme noir essayant d’arrêter un taxi, est une critique de la société américaine, en particulier de la discrimination raciale.

Selon Suzanne Pagé, commissaire générale et directrice artistique de la fondation, certains tableaux sont tellement organiques qu’il est difficile de savoir qui a peint quoi, comme l’a souligné Warhol lui-même. Les tableaux étaient le fruit d’une collaboration créative où Warhol travaillait d’abord sur le fond en fixant les lignes de force et les logos, neutralisés, détournés voire niés par Basquiat. Cette "insolence totalement acceptée" par Warhol témoigne de leur relation de travail unique.

De salle en salle, deux esthétiques, deux générations et deux tempéraments se croisent et fusionnent: celle de la "rage et de l’engagement de Basquiat à faire exister la figure noire", avec une "fantaisie de l’enfance" empreinte de "gravité", selon Mme Pagé, et celle, "plus distanciée, de Warhol, qui intervenait dans tous les médias (peinture, performance, sculpture, photos, graffitis, TV, revues, cinéma…) et qui a cassé beaucoup de règles, inscrivant l’art populaire dans la modernité classique", ajoute-t-elle.

Un immense tableau de 10 mètres de long, intitulé African Masks, mélange de masques et de figures réelles – allusion probable à une exposition au MoMA de l’époque sur le primitivisme et la modernité – fait partie, selon Mme Pagé, "des plus réussis". Et d’ajouter: "Warhol, sans doute fatigué des portraits mondains qu’il faisait en sérigraphie et soucieux de tout ce qui se passait dans le monde de l’art à New York Downtown, avait besoin de participer à cette énergie extraordinaire", insufflée par Basquiat et son groupe d’amis.

Basquiat, surnommé le "Radiant Child" lui a fait reprendre le pinceau et travailler "comme un fou". Si personne n’a pu assister aux interventions à tour de rôle sur les toiles, à la "factory" de Warhol ou dans l’atelier de Basquiat, "on sait que Warhol œuvrait d’abord au fond, sur grand format, fixait les lignes de force et les logos, neutralisés, détournés voire niés par Basquiat". Une "insolence totalement acceptée" par son aîné, dit la commissaire générale.

L’exposition se conclut sur une œuvre monumentale jamais montrée du vivant des deux artistes, Ten Punching Bags. Cette installation représente dix sacs de boxe suspendus et alignés sur lesquels ont été dessinés le visage du Christ, inspiré de La Cène de Léonard de Vinci, par Warhol, qui était croyant, ainsi que le mot Judge (juge) et une couronne d’épines, ajoutés par Basquiat. Cette œuvre reflète leur approche de la mort et clôture cette rétrospective unique sur une note poignante.

"Je dessine d’abord, et ensuite je peins comme Jean-Michel. Je pense que les peintures que nous faisons ensemble sont meilleures quand on ne sait pas qui a fait quoi."- Andy Warhol.

"Andy commençait la plupart des peintures. Il mettait quelque chose de très reconnaissable, le logo d’une marque, et d’une certaine façon je le défigurais. Ensuite, j’essayais de le faire revenir, je voulais qu’il peigne encore."-  Jean-Michel Basquiat.

Warhol est mort des suites d’une opération en 1987. Basquiat l’a rejoint l’année suivante, à 27 ans, d’une overdose.

Avec AFP

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