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— Qu’est-ce qui est le plus important, demanda Grand Panda, le voyage ou la destination?
— La compagnie, répondit Petit Dragon.

C’est une ode à l’amitié. Dans ce Liban où tout se disloque, un pays qui perd son identité et que peu à peu les expatriés quittent sans grand regret à la fin de l’été, il reste ces rapports humains qui mettent du baume au cœur. Les récentes années ont été particulièrement terribles, marquées par la paupérisation des familles, l’isolation, la pandémie, l’impact sur la santé mentale, la fuite des cerveaux et les traumatismes causés par l’explosion, le séisme et les angoisses du lendemain. Quoique triste, c’est parfois dans les grandes tragédies et en pleine tempête que l’on découvre la douceur thérapeutique des liens humains. À chacun son histoire et son lot de soucis, qu’ils soient liés à la santé ou d’ordre financier ou personnel. Que de familles éparpillées aux quatre coins du monde, que de talents envolés, que de couples séparés, que d’êtres emportés trop tôt, que de bouches affamées, que de corps mal traités, que de cœurs brisés! La liste est longue et sinistre.

Et pourtant, au grand dam de la faucheuse des corps et des cœurs, les âmes ont tenu. Grâce aux bras solides qui enlacent les amis en pleurs, aux lèvres qui leur murmurent des mots réconfortants, et embrassent leurs cheveux envolés dans la brise d’une nuit étoilée. Grâce aux rires qui fusent sur la plage, entre les confidences sur les galets blancs et parmi les crabes en fuite, une bière à la main et des cacahuètes au palais. Grâce aux accolades des bandes de copains qui dansent comme des forcenés en pleine liberté, et échangent grandes angoisses et petits soucis entre deux bouchées de mezzé. Grâce aux voisins qui débarquent avec un bouquet de fleurs dans une main et un bol de soupe dans l’autre, lorsque le corps est cloué au lit par une maladie. Grâce à la générosité des familles qui s’entraident, à l’indulgence des cœurs injustement traités, à la patience de ceux qui écoutent, consolent et conseillent. Grâce aux amis qui se joignent à toi dans la boue et y pataugent aussi, qu’elle soit le résultat de tes propres erreurs ou cruellement imposée par les circonstances de la vie. Grâce aux doigts qui s’effleurent à la fin de la journée, quand la mer flamboyante engloutit un soleil couchant et que les vulnérabilités se dévoilent en douceur, dans la timidité des regards qui se baissent, dans le courage des faiblesses qui se révèlent.

C’est un hommage à la tendresse, à l’amour, à la générosité. C’est un hommage à la gentillesse des grands, à la compassion des forts, quand on croit à tort qu’elles ont disparu de nos jours. C’est un hommage à la douceur des paroles et l’authenticité des gestes, à la profondeur des dialogues et la légèreté des cœurs. C’est un hommage aux sourires accueillant des souffrants, à l’empathie de ceux qui en ont le plus besoin. C’est un hommage aux voyages entrepris ensemble avec humour et joie, aux chemins parcourus dans la sueur et la fatigue, aux trésors insoupçonnés de la compagnie, de l’amitié.

Égarés dans la brume, Grand Panda et Petit Dragon s’endorment sous le ciel étoilé. Lorsqu’ils s’éveillent, le printemps est là. Comme ils contemplent le soleil se lever à l’horizon, ils prennent conscience qu’une nouvelle aventure formidable les attend.

Grand Panda et Petit Dragon de James Norbury

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