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Dans son quatrième roman, Un cœur outragé, l’acteur Philippe Torreton livre une critique acerbe du milieu cinématographique, oscillant entre réalité et fiction. Il soulève de nombreuses questions sur l’industrie.

Philippe Torreton, célèbre acteur français et ancien César du meilleur acteur, sort son nouveau roman, Un cœur outragé, aux éditions Calmann-Lévy. À travers une fable douce-amère, il brosse un portrait sans concession du 7e art, dénonçant les faux-semblants, les compliments factices, les rôles obtenus au bagout et les critiques orientées.

Le protagoniste de ce roman, un acteur en perte de vitesse qui finit par triompher en se déguisant en berger du Luberon, n’est pas sans rappeler le parcours de certains comédiens poussés vers la marge. Torreton assure cependant ne pas être ce personnage: "On est comédiens tous les deux, on a le même âge, mais à partir de là, on a de grosses différences (…) On sent qu’il s’emmerde. Moi, je ne m’emmerde pas! Du tout", explique-t-il.

Contrairement à son personnage, Philippe Torreton a su diversifier sa carrière, cumulant le théâtre, la littérature et même la politique. Bien qu’il reconnaisse que les rôles qu’on lui propose au cinéma sont assez courts depuis une dizaine d’années, il affirme ne ressentir ni angoisse, ni amertume à ce sujet.

Cette "bonne dizaine d’années" fait écho à sa diatribe prémonitoire contre Gérard Depardieu, publiée dans Libération fin 2012, où il dénonçait la vulgarité du comportement de l’acteur et son exil fiscal. Une prise de position qui avait suscité de vives réactions dans le milieu du cinéma, certains grands noms volant au secours de Depardieu.

Aujourd’hui, alors que Depardieu est accusé d’agressions sexuelles, Torreton se félicite que la parole se libère: "Je suis content que la parole se libère et qu’on en finisse avec la toute-puissance, comme ça, qui peut se permettre à peu près tout, au nom de l’art." Il dénonce notamment les "Pygmalion" qui utilisent et forgent les jeunes acteurs, en particulier les femmes, les transformant en leur "chose".

L’acteur insiste sur l’importance de cette libération de la parole, qui permet de mettre fin à une certaine "adolescence du cinéma" où la souffrance et les états extrêmes sont considérés comme nécessaires pour incarner un rôle.

Dans Un cœur outragé, le personnage principal, réincarné grâce à un maquillage sophistiqué, connaît un destin bien différent, adulé par Jean Dujardin et Marion Cotillard et récompensé par un César. Une supercherie qui fonctionne, à l’image de celle qui a inspiré Torreton: la réinvention de l’écrivain Romain Gary en Émile Ajar, prix Goncourt 1956 et 1975.

Si, pour l’acteur imaginaire du roman, cette histoire prouve l’hypocrisie du cinéma, pour Torreton, les choses sont plus nuancées. Il reconnaît ne pas avoir su montrer qu’il avait misé toute sa carrière sur le 7e art, rendant vital le fait de tourner. Selon lui, le cinéma se nourrit de cette envie absolue de faire des films et de réussir, en tirant profit, en s’en amusant et en l’exploitant.

À travers ce roman, Philippe Torreton invite à une réflexion sur les travers du milieu cinématographique, sur la façon dont il peut broyer les acteurs et sur la nécessité de faire évoluer les mentalités. Une critique sévère, mais salutaire, qui témoigne de l’engagement d’un acteur qui, malgré les difficultés, a su tracer sa propre voie.

Avec AFP