Il est important de savoir que le retentissement d’un traumatisme peut s’effectuer en deux temps.

Le premier temps du traumatisme est ce qui se passe au moment même de l’événement. Celui-ci est si puissant que le sujet se retrouve incapable de réagir de manière cohérente. Rappelez-vous ce que nous avons dit précédemment de la porte d’entrée au monde psychique interne. Cette porte est une barrière qui, habituellement, nous sert de mécanisme pour nous défendre contre des éléments externes qui risquent de nous déstabiliser. L’événement (l’explosion par exemple) rompt cette barrière protectrice et provoque de puissants sentiments d’angoisse et de souffrance. Comme on l’a vu, la rupture de la barrière protectrice provoque un état de confusion qui rend un sujet incapable d’utiliser ses capacités opératives habituelles. Néanmoins, pour survivre à cet état de désemparement et de confusion, notre psychisme détient quelques défenses dont l’une pourra, par exemple, prendre la forme d’une coupure de l’événement traumatique, comme si un individu s’absentait à lui-même. Certaines personnes peuvent même aller plus loin dans leurs défenses au point de se couper totalement de leur ressenti, de leurs affects (amnésie), de faire comme si rien de véritablement dérangeant ne s’était passé, de minimiser son importance ou de le nier ("ce n’est rien, ça va passer, on oublie", etc.)

De quelques autres défenses

Une autre défense reportera sur le corps l’épreuve endurée: c’est le cas de douleurs corporelles dont la cause organique est introuvable, témoins physiques de la souffrance psychique. De nombreuses victimes de l’explosion du 4 août ont souffert et souffrent encore de ces conséquences sur leur organisme.

Une autre défense pourra consister dans la sexualisation ou l’érotisation du corps, dans le rapport à soi-même ou aux autres.

Certains projetteront sur autrui ce qu’ils ont subi et qui est resté ignoré d’eux-mêmes, dans un processus d’emprise sadique sur autrui, ou de son contrôle.

Une caractéristique importante déjà mentionnée qu’il faut retenir, c’est qu’un traumatisme récent peut en réveiller d’anciens, dont on est inconscient. Tout se passe comme si, par un retour des traumatismes, par leur répétition, notre psychisme nous offre le moyen d’en (re)prendre conscience et de rechercher les solutions pour apaiser nos malaises. (Les cauchemars, par exemple, ou des souvenirs d’événements pénibles qui reviennent de façon itérative sont des messages que notre psychisme nous envoie pour ne pas les laisser étrangers à notre conscience).

On voit donc que notre psychisme, même dans des conditions dramatiques, nous offre des possibilités de nous défendre contre une situation traumatique. À condition que cela ne se réduise pas à une élimination d’une partie importante de soi, c’est-à-dire d’une partie de notre singularité. La coupure de notre sensibilité, de nos sentiments, de nos émotions, de nos pensées, ne signifie pas que les ressentis de l’événement traumatique ont disparu. Ils ont été en quelque sorte écartés, cachés, mais ils continuent d’exister au fond de notre psychisme. Et à un moment donné, ils pourront resurgir de nouveau.

Dans ce cas, ce sera l’advenue du deuxième temps du traumatisme, qui peut apparaître plusieurs mois ou plusieurs années après. Cela peut-être, par exemple, à l’occasion d’un événement apparemment banal, mais qui réveille la situation traumatique antérieure et vient désorganiser le fragile équilibre mis en place jusque-là.

Pourquoi y a-t-il un deuxième temps du traumatisme? C’est parce que les effets du traumatisme, au premier temps, n’ont pas pu être suffisamment symbolisés. Ils n’ont pu être parlés, pensés, exprimés de différentes façons (parole, dessins, jeux de rôles, etc.). C’est comme une occasion que notre psychisme nous offre pour tenter de régler dans ce deuxième temps ce qui n’a pas pu l’être au premier  temps.

Lire Aussi: Le traumatisme -4- Le sujet traumatisé