"On rencontre sa destinée souvent par des chemins qu’on prend pour l’éviter." Ces beaux vers de La Fontaine, extraits d’une fable intitulée L’Horoscope, traduisent, avec une frappante justesse, notre ressenti funeste quand la mécanique de répétition est à l’œuvre dans nos vies.

"L’échec finit toujours par me rattraper", "le mauvais sort s’acharne sur moi", "je suis décidément maudit", disent les patients confrontés à ces scenarii douloureux, qui se reproduisent comme s’ils étaient programmés par des forces occultes ou par une sombre destinée.

Souvent, les personnes n’ont pas attendu de commencer une psychanalyse pour identifier de tels scenarii. Elles ont tenté d’utiliser les ressources de leur intelligence consciente pour mettre en place différents remèdes, éviter la récurrence du malheur et infléchir leur trajectoire. Mais rien n’y a fait, comme si leurs tentatives les ramenaient inéluctablement au même résultat désastreux, pire, y contribuaient. Ainsi du jeune héros de notre fable qui, comme l’écrit La Fontaine, "Dut sa perte à ces soins qu’on prit pour son salut".

Confronté à son apparente impuissance, l’être humain verse alors dans un découragement, une mélancolie, voire un désespoir teintés de superstition: "On n’échappe pas à sa destinée".

Rien n’y a fait, effectivement. Pourquoi?

Parce que l’organisateur, le programmateur des scenarii de malheur répété est l’inconscient; ou, plus exactement, notre inconscient dans son versant obscur, celui qui tend à traiter par la répétition les traumas de notre histoire.

Pour contrer le supposé mauvais sort, c’est-à-dire neutraliser les forces de répétition, le pari, toujours efficace, de la psychanalyse est celui-ciA: penser au lieu de répéter.

En effet, tout commence à changer si la personne s’aperçoit que ledit mauvais sort n’est rien d’autre que son propre mal de vivre, par exemple son mal d’amour. Ce dernier peut se traduire par la répétition de scenarii d’échec amoureux, qui reproduisent, à la lettre ou selon différentes variantes, les impasses que la personne a connues dans les premiers rapports affectifs de son histoire.

Si elle entre en analyse, cette personne apprend à décoder les phénomènes obscurs de son être, elle les saisit dans la logique de l’inconscient. Ce qui semblait appartenir au domaine de l’ailleurs, de l’étrange et inquiétant, prend un sens de l’intérieur et devient familier.

Une vision nouvelle de son histoire émerge, une vision humaine et non plus occulte, une vision logique et non plus irrationnelle ou fatale, qui lui permet d’en écrire autrement les chapitres futurs.

L’amoureux malheureux peut ouvrir d’autres voies que celle consistant à répéter sans fin sa tragédie de l’amour. L’homme qui se croyait condamné à l’échec peut réinventer sa vie.

Parce qu’un sujet (un être humain) n’est pas un objet (du destin), rien n’est inéluctablement écrit. Dans une psychanalyse, on rencontre une lumineuse vérité, celle de son désir, auquel on peut toujours décider de donner la main.

Dans La vie augmentée, chapitre sur la répétition.
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