L’invasion de l’Ukraine par la Russie met en évidence les " fondations chancelantes " de la démocratie, selon l’artiste chinois dissident Ai Weiwei, dont l’oeuvre fait l’objet d’une ambitieuse rétrospective à Vienne.

" On sent soudain que les bases sur lesquelles reposent les libertés sont en train de s’ébranler ", a-t-il déclaré aux journalistes, en dévoilant l’exposition intitulée " En quête d’humanité " qui s’ouvre mercredi au musée Albertina Modern.

A 64 ans, il exprime des craintes pour " notre vie en apparence paisible depuis la Seconde Guerre mondiale " et condamne l’agression russe qu’il juge " inacceptable ", se disant préoccupé par les divisions qui se multiplient.

" Une psychologie de guerre froide, cela ne va pas fonctionner ", ajoute cette figure emblématique de la contestation chinoise.

Cette exposition en Autriche est selon lui celle qui évoque le plus largement son travail à ce jour. Jusqu’au 4 septembre, elle retrace l’évolution de son activisme politique sur plusieurs décennies.

Guerres et persécutions

Sont présentées plusieurs œuvres évoquant ceux qui fuient la guerre et les persécutions. On y trouve un arrangement de gilets de sauvetage ramassés sur les côtes de l’île grecque de Lesbos, disposés autour d’une boule de cristal géante dans une installation en forme de lotus.

Cette pièce est également représentative de la nature monumentale d’une grande partie de l’œuvre exposée, qui comprend plus de 50 tonnes de matériaux.

Ce que le plasticien, connu pour ses prises de position engagées, appelle l’actuelle " crise des droits de l’homme et de la liberté d’expression " s’incarne dans une réplique grandeur nature de la cellule où il a été détenu et interrogé après son arrestation en 2011 par la police chinoise.

À côté, un ensemble de dioramas dépeint des scènes de son interrogatoire telles des maisons de poupées dystopiques.

Sur cette même thématique de privation de liberté, on découvre le tapis de course utilisé par son ami Julian Assange pendant son séjour à l’ambassade d’Equateur à Londres.

Dans une oeuvre au fort impact émotionnel, une immense installation utilise des barres d’armature tordues récupérées dans une école détruite lors du tremblement de terre de 2008 au Sichuan, qui a fait plus de 80.000 victimes.

Un hommage aux milliers d’enfants victimes de mauvaises constructions sur fond de corruption.

L’irrévérence et l’humour sont également au rendez-vous, comme dans la série de photos du célèbre majeur d’Ai Weiwei dirigé vers des sites tels que la porte de cérémonie de la place Tiananmen à Pékin.

Elles sont placées sous une insulte de quatre lettres (" FUCK ") éclairée au néon.

Ai Weiwei fait également un usage intensif des Lego comme support, notamment pour recréer le drapeau saoudien. Au lieu de la profession de foi islamique, le drapeau porte les derniers mots prononcés par le journaliste Jamal Khashoggi lors de son assassinat en 2018 dans le consulat saoudien d’Istanbul: " Je ne peux pas respirer ".

© AFP