La voix d’Aznavour. Écho d’une autre voix, celle de Beyrouth.

Beyrouth, le lieu où s’unissent des multiplicités de voix au cœur des ruelles d’Achrafieh et jusqu’à la place Sassine.

Çà et là, l’oreille s’imprègne de ces musiques d’un autre temps.

Un Je n’ai pas changé… par ci, un Salama ya salama par là et, quelquefois, c’est la voix de Fairouz qui vient s’en mêler, épousant les contours de la ville, défiant les frontières du Temps.

Le Temps. D’aucuns diront, entre deux soupirs, que c’était le temps de la guerre. D’autres diront que c’était le temps insouciant.

C’était le temps de Beyrouth scindée en deux.

Beyrouth Est, Beyrouth Ouest.

Le temps de la ligne de démarcation et du franc-tireur dressé à faire la guerre du haut de la tour Bourj El Murr.

Le temps des containers qui essaiment les ruelles et devant lesquels, au passage d’une fille, les miliciens redeviennent humains.

Le temps des premiers baisers échangés sous le porche d’un immeuble en ruine, dans les labyrinthes de la ville fantôme.

C’était le temps de la guerre. Le temps des guerres qui rythment le calendrier de la vie… et des amours.

C’était le temps d’antan. Celui d’instants hors du temps où, rue Huvelin, face à la Faculté des Lettres de l’USJ, dans la douce pénombre d’un bistrot, la jeunesse rêvait encore, entre deux fumées blondes et une Almaza, de réinventer le monde.

Allo Beyrouth ?

Où êtes-vous, jeunes compagnons de mes vingt ans ?

Compagnons de route et de déroute, que les jeunes de vingt ans ne peuvent pas connaitre, m’entendez-vous ?